Par Dominique Bruillot – Illustration : Bernard Deubelbeiss

La communauté de communes de Gevrey-Chambertin et Nuits-Saint-Georges

La communauté de communes
de Gevrey-Chambertin
et Nuits-Saint-Georges

Résultat de la fusion des communautés de communes de Nuits-Saint-Georges, de Gevrey-Chambertin et du Sud Dijonnais, un nouveau pays est né entre Beaune et Dijon. Son territoire regroupe à lui seul 26 des 33 grands crus de la Bourgogne. Cela méritait bien un entretien avec son président, l’historien du vin Christophe Lucand. 

Avant d’être un élu, Christophe Lucand est un professeur d’histoire, auteur d’une thèse sur l’histoire du négoce qui lui valut les félicitations d’un jury présidé par Jean-Robert Pitte himself. Son dernier ouvrage, Le vin et la guerre, n’a pas manqué de mettre au jour les vicissitudes d’une période trouble, en Bourgogne comme ailleurs. Le prix du Clos de Vougeot décerné dans le cadre du salon Livres en vignes est même venu, en 2017, saluer cette performance.

Mais ce qui nous intéresse, en la circonstance, c’est l’autre facette du personnage. Dans un contexte assez tendu (la guerre des territoires est l’une des caractéristiques de notre paysage politique), ce conseiller départemental PS a pris la présidence du pays qui n’a pas encore de nom. Et pourquoi pas « Pays des grands crus » ? Avec 26 climats sur les 33 plus prestigieux de la Bourgogne, difficile de nier l’évidence.

En attendant, découverte en dix questions d’un espace magique entre l’abbaye de Cîteaux, le domaine de la Romanée-Conti et Vougeot. Car nous sommes vraiment sur les Champs-Élysées de la Bourgogne !

Nuits et Gevrey réunis en un seul territoire depuis peu, cela change la donne pour la Bourgogne ?

Gevrey-Chambertin et Nuits-Saint-Georges sont deux noms parmi les plus célèbres du monde dans le domaine des vins. Réunir ces territoires avec celui du Sud Dijonnais était le rêve de tous ceux qui croient dans l’incroyable potentiel culturel, économique et touristique de ce territoire. Le projet était ambitieux, c’est vrai, et nous l’avons réalisé. Cela change en effet beaucoup de choses pour la Bourgogne qui a besoin de s’appuyer sur des intercommunalités fortes, dotées d’importants moyens, d’une identité et d’un projet cohérents. Avec 56 communes pour 30 000 habitants, notre communauté de communes est à la hauteur pour tisser des partenariats importants avec la Région, la Métropole et toutes les autres collectivités, et relever le défi du soutien et de l’animation de la zone des Climats de Bourgogne inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco.

Comment définir ce territoire ?

C’est un territoire hors-normes, sur les « Champs-Élysées de la Bourgogne » ! Il rassemble les trois-quarts de tous les grands crus de la Bourgogne, avec des noms mythiques comme Chambertin, Clos-de-Bèze, Clos-de-Tart, Musigny, Échézeaux, Clos-Vougeot, Romanée-Conti, La Tâche… et beaucoup d’autres. Au-delà, il rassemble l’abbaye de Cîteaux, le château clunisien de Gevrey-Chambertin, la réserve naturelle nationale de la Combe Lavaux-Jean Roland, le parc Noisot, la colline de Vergy, les bassins carriers de Comblanchien, ainsi que les innombrables trésors naturels et patrimoniaux de la Plaine et des Hautes-Côtes. C’est aussi et surtout un territoire de vie, d’activités économiques et de loisirs pour tous nos habitants, et pour beaucoup d’autres encore !  

Avec 26 grands crus en l’espace de quelques kilomètres carrés, soit les 4/5e de tout ce que la Bourgogne peut revendiquer en la matière, ce pays est-il encore en connexion avec les réalités d’un monde « normal » ?

La normalité en la matière est toute relative !

D’ailleurs, il est remarquable que deux univers cohabitent par ici, la côte viticole et la plaine spirituelle. L’esprit cistercien qui est né dans l’humil(d)ité d’une forêt est-il suffisamment célébré dans le vignoble ?

Célébré, sans doute pas ! Mais l’esprit est là quoi qu’on en dise. Ceux qui l’oublieraient seraient vite rappelés à la réalité des choses. C’est un territoire marqué par le travail à travers le temps. La renommée des lieux n’est certainement pas une rente, c’est un héritage dont il faut être à la hauteur et qu’il s’agit sans cesse de prolonger.

Finalement, entre Dijon et Beaune, entre la métropole et la capitale historique des vins, il n’y a plus que « vous » !

Et alors ? C’est formidable, non ?

Christophe Lucand, historien du vin et président de la nouvelle communauté de communes de Nuits-Gevrey : « La renommée des lieux n’est pas une rente, mais un héritage dont il faut être à la hauteur. »

Christophe Lucand, historien du vin et président de la nouvelle communauté de communes de Nuits-Gevrey : « La renommée des lieux n’est pas une rente, mais un héritage dont il faut être à la hauteur. »

Ce « pays des grands crus » tutoie la grande ville au nord tout en composant avec la rudesse des Hautes-Côtes. Qu’est-ce qui fait son unité ?

C’est l’histoire du territoire et de ceux qui l’ont fait. De la Plaine à la Côte et aux Hautes-Côtes, il y a un monde qui s’est organisé au sein des petites communes, entre la petite industrie de pointe, l’artisanat, le commerce, la polyculture, la viticulture et la forêt. C’est une Bourgogne en miniature, des portes de Dijon à celles de Beaune.

S’il fallait absolument faire trois choses par chez vous, ce serait quoi ?

Déguster, cheminer, et créer !

En Bourgogne, surtout au cœur des plus grands terroirs, le foncier s’emballe. Cela est-il inéluctable ? 

C’est la rançon de la gloire… pour certains ! Je suis bien placé pour savoir que l’histoire nous enseigne cela, à plus d’un titre. Là où le prix du foncier s’est envolé, les valeurs continueront de s’élever parce qu’on intègre une dimension spéculative devenue immatérielle. On achète un nom porte-drapeau, une marque ou un emblème reconnus à l’international. Cette histoire-là est née il y a plus d’un siècle et elle amorce maintenant un tournant très prévisible.

Le pari de l’œnotourisme repose sur la vénération du petit patrimoine et la capacité à partager les petits secrets d’un territoire mythique. Comment y parvenir ?

En l’occurence, le « petit » ici est devenu grand. Mais le pari de l’œnotourisme est encore à tenir. Il faut que les esprits s’ouvrent à davantage d’innovations et de créations. Dans ce domaine, il reste beaucoup à faire pour être à la hauteur de notre héritage.

Et dans dix ans, qu’est-ce qui aura vraiment changé ?

Tout aura changé, ou presque ! Nous aurons fait la démonstration de la pertinence de la création de cette belle communauté de communes qui rassemble un territoire unique et exceptionnel. Portés par notre projet et la vision d’un monde en constant changement, nous aurons contribué à dynamiser ce territoire, pour ses habitants et ses touristes, en l’adaptant, toujours, sans perdre ses atouts, jamais !