Par Dominique Bruillot – Photos : Jean-Luc Petit

David Le Comte et Nicolas Isnard, les inséparables étoilés de l’Auberge de la Charme, fêteront en 2018 leurs dix ans de « vie commune » à Prenois. Entre deux voyages en Asie, en porte-parole officiel du tandem, « Nico » jubile : « On a trouvé notre identité en Bourgogne, on est bien ! » 

« Voyager c’est être infidèle. Soyez-le sans remords, oubliez vos amis avec des inconnus. » Il fait sienne cette citation de Paul Morand. Avec, toutefois, une nuance de taille : jamais Nicolas Isnard n’oubliera vraiment son double de cuisine, son frère de piano et de cœur, David Le Comte. Et cela fait bientôt dix ans que ça dure.

Citoyens du monde

Les siamois de La Charme ont en effet débarqué à Prenois en juin 2008. « Depuis, on a trouvé notre identité, notre cuisine a évolué, on est bien », poursuit Nico. Très vite adoubée par le Michelin, la petite auberge au nord de Dijon a ainsi été le théâtre de la maturation lente d’un tandem insolite et inséparable, de la naissance d’un style inimitable, qui se redécouvre au gré des propositions gourmandes d’une maison… sans carte depuis 2011. Le luxe suprême pour des cuisiniers. Au tout début, pourtant, pétris de certitudes, Tic et Toc (ndlr : c’est le surnom que nous leur donnons affectueusement au sein de la rédaction) voulaient réinterpréter les standards bourguignons pour se faire adopter par le pays. La grande idée. « On avait tenté de revisiter le lapin à la moutarde et le pain d’épices, aujourd’hui on est citoyens du monde, voilà tout », résume le porte-parole de la maison.

Globe cooker

Tel est le juste retour d’une façon de vivre et d’être qui fait de cette cohabitation entre deux caractères complémentaires, une recette singulière et diablement séduisante dans le monde de la gastronomie. Pendant que son barbu préféré voyage et alimente copieusement les réseaux sociaux de ses photos et commentaires joyeux, à la découverte d’autres horizons, asiatiques la plupart, David tient la boutique d’un pied ferme. « Il est plus calé que moi sur la logistique, il gère le process alors que je suis toujours à l’arrache, admet Nico. Mais ne lui présentez pas un journaliste, il se barre en courant ! » Pas toujours vrai. Et pas avec n’importe quel journaliste heureusement, on vous le confirme.

À Bangkok, Hong Kong, Macao et Singapour, où il fait des démonstrations et encadre des cartes de belles tables, réalise de nombreux plats à quatre mains avec les chefs implantés en Asie, le « globe cooker » va quant à lui chercher des inspirations nouvelles. De retour, il les met en musique avec son complice de toujours. Et la petite auberge se renouvelle en permanence.

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Nivid et Dacolas

Ces deux-là s’amusent. Ils sont attachés à leurs libertés. « Beaucoup assimilent La Charme à un restaurant de poissons, mais ça n’est pas que ça. Pour nous, c’est aussi le mariage heureux de la truffe et de la sardine qui nous intéresse », poursuit Tic le loquace, faisant ainsi référence à ses origines italiennes. Ayant trouvé un point d’équilibre entre leurs trois établissements(1), essuyant parfois un revers comme ce fut le cas avec La Taverne il y a une paire d’années (2), David et Nicolas, ou bien Nicolas et David c’est selon, voire Nivid Le Nard et Dacolas Iscomte si l’on mélange le tout, sont des entrepreneurs dans l’âme. Ils devraient pouvoir mettre une belle cerise sur leur gâteau d’anniversaire, s’ils parviennent à investir ce million d’euros qu’ils souhaitent engager dans la réalisation d’un petit hôtel haut de gamme, avec six chambres de 35 m2 et jacuzzi intégré, face à leur vaisseau amiral. À « Prenois beach », sur les hauteurs de Dijon Métropole, il y a le potentiel et la demande pour ça.

« C’est bien tout ça ! »

« On s’inscrit dans l’air du temps, Dijon est une belle ville, agréable à visiter, qui trouve ses marques dans le domaine de la cuisine », poursuit le chef, plutôt heureux d’un tel constat : « On a trois jolis chefs sur le marché des Halles, un 2 macarons (ndlr : William Frachot, Le Chapeau Rouge) intramuros, quelques bons asiatiques dont un My Wok qui se démarque, sans oublier la signature de Georges Blanc qui débarque sur la place de la Lib, c’est bien tout ça ! »

La « machine » Isnard-Le Comte fait quant à elle travailler une trentaine de personnes au quotidien. Elle est devenue une réalité économique importante dans un environnement vertueux pour les saveurs du Palais. Pas mal, dix ans plus tard ?

(1) L’Auberge de La Charme, le Bistrot des Halles au cœur des Halles et l’activité traiteur Kook’in.

(2) Saisissant une opportunité avec leur ami le footballeur Eric Carrière, les deux chefs ont tenté, sans succès, de trouver un nouveau destin à la Taverne des halles (aujourd’hui Brochettes et Cie).


Hôtes et « quilles » de choix

Preuve de cette intégration à la Bourgogne, le duo de (La) Charme a investi dans deux tables d’hôtes capables d’accueillir 6 à 10 personnes à Prenois. Privatisables, ces deux espaces permettent aux chefs de livrer une cuisine sur mesure, à la demande du gourmet qui pourra, de son côté, sortir les grandes bouteilles de sa cave… sans coût de bouchon. En Bourgogne, où le vin atteint des sommets dans les prix, l’idée est maligne et on ne s’en privera pas. Alors, les amis, sortez vos grandes « quilles » et régalez-vous !

Auberge de la Charme, Prenois – 03.80.35.32.84