Pour les créer, Kir s’était inspiré d’un événement neuchâtelois. 70 ans plus tard, les Fêtes de la vigne reviennent en force avec plusieurs centaines d’artitses. Un comeback placé sous le signe du renouveau et de l’amitié entre les peuples, pas dénué de symboles en ces temps de menace terroriste. La preuve, on n’est pas loin de la « folk rebelle attitude » chez les plus jeunes.

Par Dominique Bruillot
Photos : Michel Joly

Faut-il chercher dans cet événement les outils de la réconciliation ? Faut-il voir derrière la vision réductrice d’un folklore ringard, l’étincelle culturelle qui ferait, au début du troisième millénaire, qu’un costume n’est pas l’expression d’une identité recroquevillée sur elle-même, mais bien d’une culture à partager ?

Certains jeunes ont la réponse. Réfutant les idées reçues sur la danse et la musique folkloriques, à l’aise dans leurs nouveaux sabots, ils s’investissent volontiers dans ce revival coloré et puissamment international. Les Fêtes de la vigne ont 70 ans en 2016. Leur acteurs baissent en âge, d’année en année. Elle sont nées de l’idée d’un vieux monument local, le plus instinctif et imprévisible des maires de Dijon, le chanoine Kir, qui en avait vu le modèle en Suisse : les Fêtes des vendanges de Neuchâtel. Sous l’intitulé « Fêtes de la vigne », pourtant, aucune référence à la musique traditionnelle et au régionalisme. Mais c’est bien cet aspect de l’événement qui a survécu à sa facette vins que la nouvelle organisation ressuscite en baladant le festival dans la côte viticole.

Le pain et le sel

Selon Charles, « l’art brut faire référence aux bases de la musique traditionnelle ». Tout comme ce totem japonais. ©Michel Joly

Selon Charles, « l’art brut faire référence aux bases de la musique traditionnelle ». Tout comme ce totem japonais.

Il n’est pas inconvenant de penser aussi, que le traumatisme des attentats donne une épaisseur nouvelle à l’événement. Prudent, Charles Quénel, président de Trad’culture et prof de « SVT » dans la vie de tous les jours, préfère se référer à l’acte de création. Si on lui demande d’apporter un objet qui symbolise sa démarche, c’est un totem japonais qu’il présente. « J’aime l’art brut, il fait référence aux bases de la musique traditionnelle, celui-ci a été taillé en Bourgogne par des Japonais venus pour nos fêtes dans les années 80 ».

Laurent Gauthier a rejoint Trad’culture au début de l’année. Le président du CFDB (le comité des fêtes de Beaune) y voit quant à lui un bon moyen de relier Beaune à Dijon, ne serait-ce qu’au nom des Climats de Bourgogne. Le choix du drapeau européen, qu’il assume pour notre photo, est du même tonneau selon lui : « L’europe actuelle est construite sur des bases technocratiques, les Fêtes de la vigne donnent un visage humain à cette Europe ». Trois spectacles ont ainsi été programmés à Beaune, dès l’édition 2016.

Chez les jeunes, il y aurait même comme une « folk rebelle attitude » dans l’air. « Je suis venu en tenue « civile », pour montrer que je suis comme n’importe qui, mais avec mes sabots, pour les sortir des clichés ringards dont ils font l’objet », assène le jeune Stéphane, très actif au sein de Trad’culture. Amélie, autre folkeuse new generation a choisi la cornemuse : « J’ai découvert l’instrument il y a cinq ans, à travers lui la danse bretonne et un formidable élan culturel sur l’ouest de la France ». Angélique, sa maman, est en de nombreux points responsable de sa vocation. Plongée dans le folkore dès l’âge de 16 ans, accordéoniste, cette Dijonnaise pur jus de moutarde, a gardé en elle le souvenir de ces Polonais qui ont compté dans les Fêtes de la vigne, au point de se glisser dans un costume de la communauté et mettre en avant deux de leurs symboles fondamentaux, le pain et le sel : « le pain parce qu’il est le signe du partage, le sel parce qu’il a le pouvoir de l’Eternité » .

Ni âge, ni frontière

Le jeune Stéphane, un passionné qui n’a pas les deux pieds dans le même sabot : « Rien de ringard dans le folklore ». ©Michel Joly

Le jeune Stéphane, un passionné qui n’a pas les deux pieds dans le même sabot : « Rien de ringard dans le folklore ».

Des dizaines de milliers de personnes applaudissent chaque année les prestations de ces artistes venus du monde entier. Sans forcément prendre la mesure des symboles qu’ils véhiculent justement. On laissera donc à Gérard, un vieux de la vieille des Fêtes de la vigne, exigeant connaisseur de la musique et de la danse folkloriques, le soin de décrypter le sens de ces poupées de l’est qu’il présente au photographe. « Je suis né avec les Fêtes de la vigne, même quand je travaillais à Paris je prenais mes vacances pour être à Dijon à ce momentlà. J’ai donc le souvenir de ces Hongrois virevoltant d’une façon incroyable, de ces pays de l’est qui ont bravé l’obstacle des frontières puis profité des brèches ouvertes dans le mur de Berlin pour aller à la rencontre des autres peuples. »

Il est dans le vrai, « Gégé ». D’autant que les nouveaux venus, dans le casting international des Fêtes de la vigne, ont pour nom l’Iran par exemple. La folk rebelle attitude serait donc pacifique et n’aurait ni âge ni frontière.