Mieux manger, mieux produire : telle est la ligne directrice de Dijon Métropole pour garnir l’assiette de ses habitants. Les attentes de consommation évoluent, les budgets aussi. Il faut maintenant aller plus loin que l’antigaspi et les circuits raccourcis. En commençant par exemple à enfiler le costume de capitale mondiale… des légumineuses. Explications avec Philippe Lemanceau, élu en charge de la transition alimentaire.

Gérer l’eau est une chose. Se déplacer sans trop abimer la planète en est une autre. Il faut aussi, entre les deux, ne pas oublier l’acte de se nourrir. La transition alimentaire occupe une place capitale dans le projet vert de la Métropole. Le lancement de la marque territoriale ProDij, à l’été 2022, en est l’élément fondateur. « Notre ambition est claire : proposer une alimentation saine et durable à tous les habitants de la métropole, quels que soient leurs revenus », résume Philippe Lemanceau. 

Le vice-président en charge de cet important dossier compte bien ne laisser personne seul face à son assiette. Cet ancien chercheur de l’Inrae Bourgogne-Franche-Comté, spécialiste en agroécologie, perçoit avant toute chose les enjeux territoriaux derrière ce grand défi. La France des villes doit se rapprocher de la France des champs et vice versa. « ProDij concerne, sur un périmètre élargi, plus de 380 000 citoyens-consommateurs. L’urbain a besoin du rural pour s’alimenter, et le rural a besoin de l’urbain pour vendre ses produits. La transition alimentaire s’appuie donc nécessairement sur l’alliance des territoires. »

Une légumerie métropolitaine

Pour aller plus loin que les bonnes intentions, Philippe Lemanceau a placé un dossier au-dessus de la pile : la création d’une légumerie métropolitaine. Financé avec le soutien de l’État et de la Région, ce projet estimé à 2,5 millions d’euros est sorti de terre dans la ZAE Beauregard de Longvic. Dès ce printemps, des légumes locaux de qualité seront acheminés ici, avant d’être préparés et transférés vers la cuisine centrale de Dijon. 70 tonnes par an dans un premier temps, de quoi couvrir en partie les besoins des écoles élémentaires et maternelles dijonnaises.

Les agriculteurs partenaires devront suivre un cahier des charges agroécologique pour obtenir le label ProDij. « Ce sont des efforts supplémentaires pour eux, nous le savons, ils seront donc bien rémunérés », s’engage l’élu, qui se félicite du partenariat vertueux mis en place avec la Chambre d’agriculture de Côte-d’Or et le Groupement d’agriculteurs bio de Côte-d’Or pour approvisionner la légumerie. À terme, l’objectif est de traiter 400 tonnes de légumes par an et ainsi d’approvisionner d’autres structures de restauration collective.« Des discussions sont en cours avec le CHU et la direction des lycées du Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté. La perspective ultime serait d’atteindre les 2 000 tonnes, pour couvrir l’ensemble des besoins de la restauration collective publique et privée de Dijon Métropole. » Ambitieux, Philippe Lemanceau ne met pas tous ses œufs dans le même panier. L’élu compte aussi sur le développement de l’agriculture urbaine pour fournir ladite légumerie.

La Métropole souhaite en effet encourager l’installation de maraîchers dans son environnement proche, en lien avec les communes. Elle a ainsi recensé une dizaine de sites éligibles aux cultures légumière et fruitière (pour 122 ha potentiels), comme c’est déjà le cas à Magny-sur-Tille depuis plusieurs années. Sur place, les maraîchers bio Ludovic Chouet et Antoine Lesty prennent soin d’une cinquantaine de variétés tout au long de l’année. Cette entreprise, située à côté d’un arboretum et de jardins communaux, permet une pédagogie bienvenue à destination des plus jeunes en lien avec les associations, et destine jusque-là sa production aux Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne).

Si cette première étape touche la restauration collective et quelques épiceries solidaires, monsieur et madame Toutlemonde seront bientôt directement concernés. Des aliments estampillés ProDij pourraient investir les rayons des supermarchés. « Nous travaillons déjà sur ces débouchés, avec des enseignes comme Super U, très intéressées par la démarche », confie Philippe Lemanceau.

Les aliments de demain

Le sillon du « mieux manger » est donc en train d’être creusé. Sur ce point, Dijon Métropole n’a pas attendu de lancer ProDij pour travailler aux bons réflexes dès le plus jeune âge. Les 75 écoles maternelles et élémentaires de Dijon, qui fournissent quelque 8 000 repas quotidiens, ont fait du chemin. « Entre moins de cinq ans, nous avons réduit le gaspillage alimentaire de 161 g de déchets par enfant à 88 g (ndlr, la moyenne nationale est de 120 grammes). La méthode est aussi simple qu’efficace : les enfants se servent eux-mêmes, et ils adorent ça. » 

Au bout du compte, des économies pour acheter de bons produits et un meilleur bilan carbone. « Le remplacement d’une partie des protéines animales par des protéines végétales type légumineuses fait aussi partie de la solution », avance le vice-président. Un repas sans viande est ainsi proposé depuis plusieurs années chaque semaine dans les cantines des écoles élémentaires et maternelles de Dijon. Depuis janvier, un deuxième est proposé sur inscription. « Ce choix s’appuie sur des recherches scientifiques conduites par l’Inrae avec la cuisine centrale, comparant les apports nutritionnels, la perception par les enfants et l’empreinte carbone des repas avec et sans viande. » Prochaine étape : que le Dijonnais soit convaincu de l’intérêt que représente les légumineuses.

Transition alimentaire en cours

Les acteurs économiques, eux, se sont déjà adaptés. Épaulé par différents partenaires  économiques dont Vitagora, Dijon Céréales a par exemple investi dans le projet Leg’Up, avec la création d’une unité de transformation pour légumineuses. « Les travaux ont notamment porté sur la sélection de variétés de pois et de féveroles ayant un faible impact sensoriel et sur leur incorporation dans plusieurs produits alimentaires (produits carnés, produits de panification et biscuits) », explique la coopérative, qui a même testé un petit gâteau moelleux… à la farine de pois. 

De son côté, l’entreprise montbardoise Buffon & Co se définit comme un « pure player du sarrasin » et capitalise sur cette « plante magique, ne nécessitant ni engrais, ni pesticide, ni arrosage, (et qui) régénère la terre en nourrissant à la fois les hommes et les abeilles ». Présenté ainsi, le menu fait tout de suite plus envie.