Nello et Nicolas, le paternel le fiston Cheli, sur le circuit Dijon-Prenois.

Nello et Nicolas, le paternel le fiston Cheli, sur le circuit Dijon-Prenois.

De Nello, le patriarche de la fratrie, pilote auto émérite dans les années 60 et 70… à Nicolas le motard, on peut dire que chez les Cheli, on aime ce qui ça vite. Avec en toile de fond une autre réalité, la vie de chef d’entreprise.

Par Thomas Barbier – Photo Jonas Jacquel

On peut dire que Nello Cheli a montré le chemin à ses fistons. Son nom de famille, il l’a imposé dans le cœur de tous ceux pour qui l’automobile est autre chose qu’un simple moyen de locomotion.

Success story paternelle

C’est l’histoire d’un gamin qui débarque à Dijon à 7 ans après une enfance toscane, puis celle d’un adolescent qui fait son apprentissage à 14 ans au garage Chauvin. Là, c’est le déclic : « J’ai eu l’occasion de mettre mes fesses pour la première fois dans une voiture de compétition, cela m’a donné le feu sacré. » Le jeune apprenti est courageux et passionné. Le salaire n’est pas très élevé, mais qu’importe. Il est dans son élément, apprend un métier qu’il aime au point de devenir un jeune technicien respecté. «  J’ai eu l’occasion d’être plongé grâce à mon patron en plein cœur des 24 Heures du Mans. Le garage Chauvin préparait la voiture d’un équipage composé notamment du patron de l’époque de Lejay Lagoutte, Guy Laroche. J’étais en charge de panneauter notre équipe dans le mythique virage Mulsanne. Magique ! »

La suite était écrite. Nello devient pilote et montre vite de sacrées dispositions. Sans le sous, mais  malin, il saisit alors une belle opportunité : « J’ai appris qu’une opération de dépistage de pilote locaux se déroulait sur la route qui mène au Mont-Afrique. Une forme de Volant Elf avant l’heure. » Problème, le jeune homme a bien son permis en poche, mais pas de voiture… « J’ai fait croire à mon patron que j’avais besoin d’un véhicule pour emmener mes parents à un événement important. » Au final, la voiture en question servira à Nello Cheli pour se faufiler parmi les lauréats. Ce que son boss découvrira en photo dans le journal dès le lendemain… « Il ne l’a pas trop mal pris », sourit Nello.

Des mécènes, séduits par la talent du pilote, vont lui permettre de participer à différentes compétitions où il croisera des icônes du sport automobile comme François Cevert, Patrick Depailler ou Henry Pescarolo, qui passeront quelques années plus tard par la case Formule 1. Des pilotes qu’il battra tous lors d’une course de formule B en 1966 à Montlhéry. Un état de fait qui ne laisse aucune frustration à Nello, l’homme étant plutôt du genre à voir la bouteille à moitié pleine. Course après course, le Dijonnais se construit un joli palmarès et, en 1972, il devient le premier pilote à inaugurer officiellement la piste de Prenois. « Un moment fort bien sûr, mais je garde surtout le souvenir de François Chambeland, qui a su fédérer derrière lui les talents et les énergies pour créer cette piste mythique avec des fonds 100 % privée. »

La fibre entrepreneuriale

Nello Cheli, lui aussi, est animé par cet esprit d’entreprise. Nous sommes en 1974. L’homme est pragmatique et sait bien qu’en sport auto le talent ne suffit pas. A l’aube de la trentaine, il lance donc son propre garage. En bon Italien, il commercialise dans un premier temps sa marque de cœur, Alfa Roméo, avant que les Japonais de Toyota ne s’approchent de lui, séduits par le sérieux et la bonne réputation de l’homme. Pour un flirt qui deviendra un joli et solide mariage déplus de 40 ans. De quelques dizaines d’autos la première année, la concession parvient à imposer la marque nippone sur la Côte-d’Or, avant que le président Giscard d’Estaing impose entre 1980 et 1990 une loi de contingence des véhicules japonais afin d’aider les constructeurs français. « Certains ont cru que ce serait notre mort, mais au final le fait d’être limité à 250 véhicules par an, soit moins que la demande, nous a permis d’éviter une crise de croissance et d’investir tranquillement étape par étape. » Et l’entreprise de grandir doucement mais sûrement : ouverture d’un établissement à Beaune en 1984, déménagement du siège à Chenôve en 1988, création d’une concession à Chalon-sur-Saône en 1997 et d’une seconde à Dijon en 2000…  L’histoire veut désormais que le nom de Cheli soit pour beaucoup associé à Toyota.

Bon sang ne saurait mentir

Entretemps, le premier fils Cheli, Eric, n’avait pas oublié de prendre le relais du père sur les circuits. Avec talent et au point de devenir vice-champion de France de Formule 3 en 1991, mais aussi de goûter à l’antichambre de la F1, la Formule 3000. Il est depuis aux manettes la concession de Chalon-sur-Saône, alors que son frère Nicolas a la lourde responsabilité de gérer les trois concessions côte-d’oriennes.

C’est à l’aube de la trentaine, comme papa, que le cadet de la fratrie s’est lancé dans le grand bain « presque contre l’avis de mon père qui me poussait à faire un autre métier ». Nicolas Cheli a bien fait de suivre son instinct. Les concessions du département écoulant près de mille véhicules Toyota et Lexus (la marque premium du constructeur japonais) chaque année. Le père n’en est pas peu fier : « Sa réussite est d’autant plus admirable qu’il me parait encore plus difficile de gérer une concession de nos jours. Vous savez, vendre une auto pour la première fois à un client, c’est toujours possible. Le fidéliser, lui amener le service permanent et le petit plus qui fait la différence, c’est vraiment là où Nicolas est très fort. » Un joli compliment de la part d’un paternel également impressionné le talent de Nicolas derrière, non pas un volant, mais un guidon. Car si le petit dernier a lui aussi le virus de la vitesse, c’est sur une moto qu’il l’exprime le mieux : après une 3e place au championnat Michelin de vitesse en 2011, il s’est dirigé vers l’endurance où il participe encore régulièrement aux plus belles courses du championnat du monde, le Bol d’Or notamment. « À part une formule 1, je ne vois pas ce qui pourrait me donner plus de sensations qu’une moto de compétition. C’est presque inexplicable, ce sentiment de puissance et de liberté. »

Du haut de ses 37 ans, Nicolas est déjà presque un « vieux pilote », mais encore un jeune chef d’entreprise. « Le meilleur est encore devant lui », parole de Nello Cheli !