La Cité de la Gastronomie et du Vin voit enfin le jour. Dijon accueille le siège de l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV), développe un programme ambitieux de son vignoble pour obtenir l’appellation régionale identifiée « Bourgogne Dijon »… François Rebsamen serait-il en phase de devenir le régisseur en chef de sa métropole ?

Le 25 octobre 2021, l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) choisit de quitter Paris pour Dijon. Une décision votée à l’unanimité par 48  États membres lors d’une assemblée qui, c’est symbolique, se tient au Palais des ducs de Bourgogne. François Rebsamen a mis toutes ses forces dans la bataille. Avec la promesse d’aménager l’hôtel particulier Bouchu Esterno, rue Monge, le plus important hôtel parlementaire de la ville construit au XVIIIe siècle. Solennellement, il déclare : « Dijon devient ce soir la capitale mondiale du vin, c’est un moment tout à fait historique pour la ville qui reconquiert une image qu’elle avait perdue. »

L’OIV pour un siècle

Les planètes de la vigne et de la table son désormais alignées. Alors que le grand projet de la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin arrive à son terme, pour une inauguration le 6 mai, le maire de Dijon ne peut s’empêcher de revenir sur cette « rude bataille, non pas avec Reims mais surtout avec Bordeaux, gagnée parce que notre dossier était le meilleur et que nous fumes les premiers alertés sur un possible déménagement de l’OIV ». Tel un sniper ne voulant rater aucune de ses cibles, François Rebsamen a multiplié les démarches diplomatiques avec Pau Roca, le directeur général de l’OIV et son adjoint Yann Juban, pour gagner la confiance de cet organisme que l’on peut considérer, pour faire court, comme le  cousin de l’ONU ou l’OCDE dans le secteur de la vigne et du vin.

C’est un symbole de plus accroché au tableau viticole de la métropole bourguignonne, qui doit beaucoup « à l’écoenvironnement imaginé par tous les acteurs du dossier, les services de la Ville, l’association des Climats de Bourgogne et à des conditions créées pour implanter l’OIV pour un siècle à Dijon ». En attendant que les travaux de l’hôtel Bouchu d’Esterno soient réalisés, les 24 permanents de l’organisation vont, autre symbole, s’installer provisoirement dans les locaux de la Cité dès cet été. La stratégie mondiale du vin se décidera donc bien au cœur de la Bourgogne.

Vin en circuit court.

Ces planètes alignées portent aussi sur la renaissance du vignoble dijonnais. Longtemps oublié sous le poids des bulldozers d’une agglomération expansionniste, il est bel et bien de retour. On se souvient alors ce cette époque pas si lointaine où les vins qu’il produisait damaient le pion aux stars de la Côte de Nuits sur les marchés. Sans rêver pour l’instant de grands crus (il faut savoir rester modeste en la matière), le vignoble local reprend forme. Dijon s’est offert pour ça un domaine sur le plateau de la Cras fin 2013, Talant réveille le crémant de Bourgogne et un collectif d’une vingtaine de vignerons réputés (lire pages suivantes) travaille à la reconnaissance d’une appellation identifiée « Bourgogne Dijon ».

Voir le nom de sa ville sur une étiquette est pour François Rebsamen une consécration de sa croisade pour l’art de vivre. Il faudra encore patienter, la décision dépend de l’Inao, une « machine » administrative qui, c’est aussi protecteur, décide à son rythme. Une poignée d’années sans doute.

Mais l’ancien ministre y ajoute une touche raccord à sa politique : « 75 % des producteurs intéressés par ce dossier raisonnent en circuit court, avec un positionnement sur des prix raisonnables ». Autrement dit, le futur Bourgogne Dijon sera bon et digne de nos grands terroirs – les spécialistes sont tous d’accord là-dessus – tout en étant réservé en priorité au consommateur local. Ainsi que, cela tombe sous le sens, aux futurs visiteurs de la Cité de la Gastronomie et du Vin.

Si le climat « Montrecul » en est l’évident (et amusant) emblème, le vignoble dijonnais a quantité d’autres terroirs (re)naissants, bien situés et la plupart en altitude, représentant une soixantaine d’hectares de vignes et sans doute plus de 200 dans les années à venir. ©Clément Bonvalot

« Je plante ! »

Ce n’est pas un scoop, François Rebsamen n’est jamais le dernier à se laisser tenter par une dégustation. C’est une marque de fabrique inévitable pour pouvoir rayonner dans l’opinion sur nos terres. La perspective d’être le « régisseur en chef » d’un terroir qui compte désormais 40 hectares replantés et, à terme, sans doute plus de 200, ne peut donc que le combler. Il sera aux premières loges de la révélation viticole de Dijon.

D’autres projets vont émerger de cette reconquête « terroiriste ». « Sur ce type de terroirs, le réchauffement climatique va nous inciter à implanter de nouvelles méthodes, avec le devoir de l’exemplarité », souligne l’ancien ministre. Les petits joyaux qui vont asseoir la réputation de Dijon la viticole sont connus. À Daix, par exemple, il y a la « Cuvée de Noble Souche »  du domaine Denis Mortet. À Talant, les crémants de la maison Louis Picamelot. Aux Marcs d’Or est l’un des fiefs du domaine Derey. Les vignerons de renom (Christophe Bouvier, Manuel Olivier, Sylvain Pabion et bien d’autres) se lancent quant à eux avec gourmandise dans cette aventure. Ce qui donne à François Rebsamen le sentiment libérateur de pouvoir remettre le cep au milieu de la politique dijonnaise : « On dit que je bitume, or je plante ! » À bon entendeur, santé.