— Le secteur des Travaux Publics compte sur la nécessaire transition énergétique pour se relancer et créer à nouveau de l’emploi. En Bourgogne-Franche-Comté, certains indicateurs sont au vert. Ce que confirme le président de la Fédération régionale, Vincent Martin.

Le secteur des Travaux Publics en BFC, c’est 11 000 emplois répartis entre 1 100 entreprises. Soit 10 salariés en moyenne par entreprise. Sommes-nous dans une région représentative de la France ?
Il semble difficile de parler de moyenne de salariés par entreprise. Je préfère dire que le tissu des entreprises de la région est hétérogène, composé de groupes nationaux, d’entreprises de taille intermédiaire (ETI), des petites et moyennes entreprises (PME) et des très petites entreprises (TPE). Chacune d’entre elles est importante et participe à l’équilibre de l’activité. Nous le remarquons d’autant plus dans notre fédération régionale, qui rassemble des entreprises très différentes en termes d’effectifs. C’est aussi ce qui fait la richesse de notre profession.

Vous proposez une relance verte, capable de créer 2 000 emplois supplémentaires rien que sur notre territoire. Le solde de l’employabilité des TP pourrait donc être positif au sortir de la crise sanitaire ?
Au début de l’année 2020, les signaux étaient au vert, on prévoyait l’embauche de 2 000 collaborateurs. Le recrutement a toujours été un point de vigilance dans le secteur. De nombreuses difficultés sont rencontrées par les entreprises, notamment pour le recrutement de main-d’œuvre qualifiée. Malgré le contexte sanitaire et une activité fortement dégradée, les entreprises ont maintenu leurs efforts en termes d’emploi et d’accueil d’apprentis. On note une augmentation de 10 % des apprentis à l’École des Travaux Publics de Bourgogne-Franche-Comté à la rentrée de septembre 2020. Mais, nous ne cessons de le rappeler, la capacité d’investissement volontariste des collectivités territoriales est une condition indispensable pour que le secteur puisse de nouveau travailler, donc renoncer à l’activité partielle et aux licenciements pour pouvoir à nouveau embaucher. Pour 1 million d’euros de travaux investi par les collectivités, ce sont 7 emplois directs et 3 emplois indirects qui sont générés. Pour rappel, la commande publique représente 70 % de l’activité des TP. Le nombre d’appels d’offres est toujours très bas aujourd’hui. Nous poursuivons notre communication auprès des élus pour les informer que le plan de relance propose des aides financières inédites et qu’il peut leur permettre de transformer durablement leurs territoires.

Pourquoi alors avoir attendu une crise virale majeure pour que la transition écologique apparaisse, tout d’un coup, comme l’outil prodigieux de la renaissance d’une économie vertueuse ?
La force de la profession, c’est sa capacité à s’adapter à l’évolution de la société, à proposer des solutions en adéquation avec les besoins des citoyens, comme un meilleur accès au numérique, une mobilité plus sûre, un patrimoine d’eau et d’énergie bien entretenu, un cadre de vie en phase avec l’exigence de transition énergétique… Autant d’infrastructures qui sont un facteur incontournable de l’attractivité économique de nos territoires. De leur côté, les entreprises de Travaux Publics ont engagé leur propre transformation depuis plusieurs années, avec le réemploi des matériaux, le recyclage ou encore une meilleure maitrise de leur impact environnemental.

Ces propositions vont en direction de l’État, qui a mobilisé 3,8 milliards d’euros pour soutenir l’investissement des collectivités locales en matière d’infrastructures. Aurons-nous encore d’autres ressources après ça ?
L’entretien et le renouvellement des infrastructures est et sera indispensable pour maintenir la compétitivité et l’attractivité économique de nos territoires. Il en coûtera plus cher d’attendre que d’entreprendre ! C’est un message fort que nous adressons fréquemment aux décideurs économiques. Un entretien optimal des infrastructures passe nécessairement par une bonne connaissance de l’état du patrimoine et une programmation des travaux de renouvellement. À titre d’exemple, l’absence de programmation de renouvellement des réseaux d’eau potable a détérioré le rendement. En France, près de 40 % des canalisations d’eau potable ont plus de 40 ans, résultat : un litre d’eau sur cinq n’arrive pas au robinet ! Enfin, pour répondre aux enjeux de demain, les collectivités auront toujours besoin des Travaux Publics.

En Bourgogne, quels grands chantiers en cours symbolisent ce grand renouvellement ?
On peut noter la mise en place de bornes électriques et de stations à hydrogène pour accompagner les mobilités décarbonées. Dijon Métropole développe actuellement son réseau de chaleur, ainsi qu’un programme  de production et de distribution d’hydrogène. On peut également évoquer la multiplication des pistes cyclables, la sécurisation de la ressource en eau et la poursuite du déploiement de Très Haut Débit en Côte-d’Or. L’accélération de grands projets de la transition écologique est nécessaire, comme la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône. Ce projet est un véritable critère de dynamisme et d’attractivité du territoire : flux de voyageurs, fret optimisé, installation des entreprises, mode de déplacement doux. Afin de développer et sécuriser les mobilités, l’accélération de la mise en deux fois deux voies de la RCEA fluidifiera les échanges est-ouest.

Quels autres chantiers en lien avec le développement durable seraient en mesure de relancer l’activité des Travaux Publics dans notre région ? 
Bien sûr, le plan de relance crée des opportunités ! La force d’un territoire passe par la mobilisation et l’implication des acteurs locaux en termes de développement et d’entretien des infrastructures. Pour participer activement à la transition énergétique, les élus auront besoin des entreprises de Travaux Publics. De nombreux projets peuvent ainsi émerger, comme la sécurisation de l’alimentation en eau potable et la préservation de sa ressource par les interconnexions et les renouvellements de réseaux. Les TP peuvent aussi contribuer au développement de nouvelles sources d’énergie comme la méthanisation. Dans notre belle région rurale, la création de nouvelles véloroutes est également un enjeu majeur, vecteur d’attractivité touristique et de découverte de nos territoires. De manière générale, notre profession est un partenaire incontournable de la transformation durable de nos territoires.

Le projet Smart City de Dijon Métropole illustre cette nette tendance à la numérisation globale du territoire. En quoi cela peut-il participer aussi à l’essor économique du secteur ?
La numérisation dans les Travaux Publics permet une meilleure connaissance du patrimoine, ainsi qu’une optimisation de la gestion des infrastructures. La transformation numérique favorise l’attractivité du territoire, et les données récoltées par des équipements intelligents pourront être mises au service d’un nouvel essor économique. Or pour bénéficier d’équipements intelligents, il est indispensable de créer et d’entretenir un réseau d’infrastructures performant.

Finalement, le secteur n’aurait-il pas vocation, aujourd’hui, à devenir un acteur de la réflexion sur le devenir de nos territoires ? De se situer en amont de la commande publique plutôt que de l’attendre ?
C’est là un des enjeux forts de la FRTP. Notre profession peut tout à fait mettre son expertise au service des élus locaux. La Fédération organise régulièrement des actions et des journées techniques, elle apporte des informations utiles aux décideurs économiques pour une prise de décision la plus optimale possible. Les collectivités locales et les entreprises de Travaux Publics ont un réel intérêt à travailler ensemble pour les territoires. Ce partenariat est gagnant-gagnant à tous les coups !    —