— Dès 2022, huit bennes à ordures de la Métropole fonctionneront avec de l’hydrogène produit grâce à l’électricité fournie par l’usine d’incinération des déchets. D’ici huit ans, 37 autres lui auront embrayé le pas, ainsi que 175 bus, soit le plus ambitieux projet mené en France autour de la filière hydrogène. Un projet pilote qui conforte Dijon dans son image de référence écologique, et va lui donner une expertise susceptible de générer du développement économique à la clé.

« Dijon était une destination touristique, elle est en train de devenir une direction, un modèle à suivre en matière d’hydrogène », s’enthousiasme Christophe Rougeot, le président du groupe de BTP éponyme basé à Meursault, dont la filiale Rougeot Énergie est le partenaire majeur de Dijon Métropole dans son ambitieux projet basé sur la production d’hydrogène et son utilisation par les véhicules de la collectivité. 

Comptant parmi les onze lauréats de l’appel à projets national « Écosystèmes et mobilité hydrogène » lancé par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), la métropole dijonnaise entame la construction  d’une première station à hydrogène, dont le coût global est estimé à 7,5 M€. L’Ademe cofinancera l’installation de l’infrastructure à hauteur de 1,8 M€ et 1,6 M€ pour les véhicules. D’autres stations suivront, avec un budget total évalué à 180 M€ d’ici 2028. La création de cette première unité est portée par Dijon Métropole et l’entreprise Rougeot Énergie dans le cadre d’une SAS (société par action simplifiée) baptisée Dijon Métropole Smart EnergHy (DMSE), désormais rejoints par l’énergéticien Storengy, filiale d’Engie. Le projet sera accompagné par Keolis, délégataire pour les transports publics du territoire.

Zéro bruit, zéro gaz et zéro particule

La réflexion démarre alors que la Métropole doit remplacer une partie de son parc de bennes de ramassage des ordures : « Après avoir déjà fait rouler nos bennes et nos bus au gaz naturel, puis avec des systèmes hybrides, nous nous sommes posé la question de savoir quelle était la meilleure motorisation possible, à la fois en termes d’impact sur l’environnement et d’adaptation à l’usage, rappelle Jean-Patrick Masson, vice-président de Dijon Métropole en charge de la transition écologique. Par rapport à un véhicule électrique à batteries classique, les véhicules à hydrogène ont une plus grande charge utile, une meilleure autonomie et un temps de ravitaillement très court. De plus, ils ne rejettent que de l’eau, et génèrent zéro bruit, zéro gaz à effet de serre et zéro particule. »    

Bref, l’hydrogène semble combiner tous les atouts pour relever le défi de la transition énergétique. Mais voilà, sa production par électrolyse nécessite énormément d’électricité et il faut que cette dernière soit la plus verte possible si l’on veut produire un hydrogène réellement décarboné. À Dijon, on pense alors à une source d’énergie locale, celle des déchets ménagers non recyclables. Depuis 12 ans, l’Unité de valorisation énergétique du chemin de la Charmette en incinère jusqu’à 18 tonnes par heure pour en faire de l’électricité grâce à un turbo-alternateur. Et justement, le contrat de revente de cette électricité à EDF se termine, offrant au projet hydrogène une source d’énergie de récupération toute trouvée. À terme, la future centrale photovoltaïque de Valmy, installée sur une ancienne décharge, apportera en complément sa part d’électricité verte au projet.

Juste à côté de l’usine d’incinération, le projet prévoit ainsi d’implanter une unité de production d’hydrogène par électrolyse de l’eau, ainsi qu’une station-service de distribution de cet hydrogène aux bennes (puis aux bus) de la Métropole… Des bennes qui partiront ensuite collecter les ordures de l’agglomération avant de les rapporter ici pour être incinérées et produire l’électricité nécessaire à la fabrication de l’hydrogène. La boucle est bouclée, avec des allures de cercle vertueux en circuit ultracourt.  

L’Unité de valorisation énergétique de Dijon Métropole, autrement dit l’usine d’incinération des déchets et son turbo-alternateur, est au cœur du système. C’est elle qui fournira l’électricité nécessaire à la production d’hydrogène par électrolyse de l’eau.

Avec l’hydrogène, Dijon veut investir sur l’avenir

L’investissement est important, car un bus à hydrogène est au moins deux fois plus cher qu’un bus à moteur thermique classique (ndlr, environ 650 000 euros), et ne sera amorti qu’au bout de 14 ans, mais « c’est le prix de la non-émission de gaz à effet de serre » que Jean-Patrick Masson est prêt à payer.  

L’électrolyseur fournira dans un premier temps 500 kilos d’hydrogène par jour, sachant qu’une benne à ordures ménagères consomme environ 20 kg d’hydrogène pour faire sa tournée quotidienne. Le gaz produit alimentera les piles à combustible (lire encadré ci-dessous) des véhicules de la flotte métropolitaine, soit huit bennes à ordures ménagères et six véhicules utilitaires légers dans un premier temps, l’objectif étant de déployer cette technologie aux bus lors du prochain renouvellement de parc. In fine, la station permettra à tous ceux qui le souhaitent, entreprises et particuliers, de recharger tous les types de véhicules électriques à hydrogène sur le territoire.

« Nous sommes au tout début d’une nouvelle filière. Pour l’instant, il s’agit de projets pilotes qui fonctionnent avec des subventions et se font sur des flottes captives d’entreprises ou de collectivité. Mais les constructeurs d’automobiles et même de trains s’y intéressent de près, et c’est un marché qui a beaucoup d’avenir. » Un marché sur lequel Dijon s’est d’ores-et-déjà positionné : « Avec Belfort, qui est déjà la Mecque de la recherche sur l’hydrogène, Dijon a une belle carte européenne à jouer sur l’aspect business et développement, pressent Christophe Rougeot, prêt à ajouter avec le bassin du Creusot-Montceau une branche industrielle à sa stratégie régionale de l’hydrogène ouverte sur l’Europe.   —

L’hydrogène, kesako ?
L’hydrogène est l’élément le plus abondant de l’univers. Sur Terre, il est difficilement accessible car il n’existe qu’au sein de molécules où il est « cramponné » à d’autres atomes. L’industrie se sert de l’hydrogène pour la fabrication d’ammoniac, indispensable à l’industrie des engrais, et le raffinage des produits pétroliers. Elle le produit essentiellement à partir du méthane (CH4), selon un processus qui dégage du gaz carbonique (CO2). Le premier gisement d’hydrogène sur terre est contenu dans l’eau, et l’océan n’en manque pas. Mais cet hydrogène n’est pas prêt à l’emploi : pour le séparer de l’oxygène dans la molécule d’eau (de formule H2O), il faut briser la liaison O-H par électrolyse, et cela demande beaucoup d’énergie, autant que celle que l’hydrogène fournira ensuite. Ainsi produit, l’hydrogène gazeux (H2) servira à faire tourner des véhicules à moteur électrique, non pas par combustion, mais par l’intermédiaire d’une pile à combustible où une réaction chimique s’opère entre l’hydrogène et l’oxygène de l’air, pour produire de l’électricité et de l’eau. Rien de plus propre !