François Rebsamen dans l’escalier menant à son bureau de l’ancien palais des Ducs, cœur historique de la cité dijonnaise. Se projeter dans l’avenir n’empêche pas un réel attachement au patrimoine…

François Rebsamen dans l’escalier menant à son bureau de l’ancien palais des Ducs, cœur historique de la cité dijonnaise. Se projeter dans l’avenir n’empêche pas un réel attachement au patrimoine…

Dans sa précédente édition, Dijon Capitale titrait : « François Rebsamen, le métropolisateur ». Ça, c’est fait. Depuis, le président de Dijon Métropole est passé à autre chose. Il est devenu le promoteur de la première « smart city » (ville intelligente) française. Voici venu le temps du « grand connecteur ».

Le quotidien des habitants de Dijon et son agglomération en sera transformé. En faisant le pari de devenir la première « smart city » française, la jeune métropole propulse la numérisation des espaces à une échelle nouvelle. Avec son petit smartphone, chacun pourra gérer bien des situations.

Ce grand chantier concerne les 24 communes rassemblées sous la bannière métropolitaine. Un contrat de 105 millions d’euros sur une période de douze ans, portant sur « la réalisation d’un poste de pilotage connecté des équipements de l’espace public ». Autant dire une implication de la collectivité qui est tout sauf virtuelle et la nécessité de trouver un opérateur à la hauteur de ces belles ambitions.

Le grand « open data »

Début septembre 2017, Martin Bouygues en personne a donc rejoint François Rebsamen à Dijon pour annoncer la grande nouvelle : le groupement dont il est le chef de file, composé de sa filiale Bouygues énergies et Services, de la filiale EDF Citelum, Suez et Capgemini, a gagné l’appel d’offres. Du lourd, 100 % français, laissant entendre que cette révolution numérique de la vie d’une grosse agglomération, une première en fait, méritait un superbe « cocorico ».

Concrètement, la ville intelligente suppose un cahier des charges drastique jusqu’à la mise en service du fameux poste de pilotage prévue fin 2018. Dijon Métropole s’oblige notamment à passer au 100 % led, rénovant au passage 34 000 points lumineux. Mais aussi, « plus de 140 kilomètres de fibre optique seront déployés, 205 véhicules géolocalisés et 130 équipés de radio, 113 carrefours et 180 bus équipés de la priorité aux bus, 269 caméras renouvelées et 180 bâtiments exploités en sûreté et sécurité ». Ce gigantesque « open data » en devenir va secouer le métabolisme énergétique d’un espace où vivent 250 000 personnes.

D’une pierre trois coups

Faisant d’une pierre trois coups, Dijon Métropole ne vise pas seulement la sécurité et le confort de ses citoyens, elle mise sur un retour sur investissement dans le domaine énergétique. « Nous escomptons des économies de 15 millions d’euros sur les quinze ans à venir, dont 65 % d’économies sur l’éclairage et la division par deux des frais de maintenance », assure François Rebsamen.

Le schéma global du projet de « smart city » attribué au groupement composé de Bouygues Energies & Services, Citelum (groupe EDF), Suez et Capgemini. Ce projet sera réalisé à travers un contrat de conception, réalisation, exploitation et maintenance (CREM), d’un montant total de 105 millions d’euros. Les investissements, financés par la Ville de Dijon et Dijon Métropole, représentent 53 millions d’euros du contrat.

Le schéma global du projet de « smart city » attribué au groupement composé de Bouygues Energies & Services, Citelum (groupe EDF), Suez et Capgemini. Ce projet sera réalisé à travers un contrat de conception, réalisation, exploitation et maintenance (CREM), d’un montant total de 105 millions d’euros. Les investissements, financés par la Ville de Dijon et Dijon Métropole, représentent 53 millions d’euros du contrat.

Pas peu fier d’être dans cette embarcation numérique, Martin Bouygues y voit aussi une exemplarité qui pourrait bien conforter sa position sur un marché prometteur. Au quotidien local Le Bien Public, il confie : « Depuis des années, nous avons développé dans le monde des systèmes intelligents […] Nous passons maintenant à une échelle plus importante, plus ambitieuse, puisque c’est la première fois qu’une ville entière va être équipée de la sorte. » A la clé, ce qui n’est pas rien non plus, on nous promet aussi la création de 45 emplois.

Big Brother sauce moutarde

Tout savoir en temps réel est un enjeu qui peut avoir des résonances intimes pour l’usager. « Les habitants pourront s’impliquer plus concrètement dans la vie de leur ville en participant à la nouvelle gouvernance urbaine de Dijon Métropole », plaident les porteurs du projet. Mais en même temps, la collecte des informations qui feront tourner le système pose directement la question de la protection des données privées.

« Nous garantissons à chaque instant l’anonymat des données issues des services publics, celles-ci permettront d’identifier des usages de masse mais ne permettront en aucun cas d’identifier des comportements individuels de citoyens, aucune donnée personnelle ne pourra être vendue », prévient-on du côté de Dijon Métropole, avec l’engagement, la main sur le cœur, que la collectivité restera « seule propriétaire des infrastructures et des données produites ou collectées dans le cadre du projet ».

François Rebsamen annonce même une « gouvernance locale de la donnée, à laquelle nous intégrerons un correspondant auprès de la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) ».

Le fantasme d’un Big Brother à la sauce moutarde ne peut être évité, cela se conçoit. Dijon Métropole assure cependant que les pires scénarios ont été envisagés, y compris « en cas de panne ou de désastre majeur, voire de piratage ». Cette gestion centralisée des équipements publics se donne surtout pour objectif de sécuriser les usages de le voie publique et de faciliter toute sorte d’intervention en cas de besoin.

Inventer la ville 3.0

« Inventer la ville 3.0 » cela signifie, au ras du bitume urbain, s’attaquer à la gestion de la circulation, du stationnement et de l’éclairage public. Sans oublier, et cela fait partie du champ de tir, faire face aux objets encombrants et aux dégradations sur la voie publique.

D’un côté, on fait donc de Dijon Métropole la « smart city » qui fascine les geeks et espère attirer les start-up dans son environnement connecté ; de l’autre on s’occupe mieux de vos poubelles ou de votre stationnement. Du virtuel au réel, en grand connecteur, François Rebsamen fait le lien.