Marquant la fin de l’autoroute A39, le vénérable péage de Dijon-Crimolois en a vu passer. Sous la bienveillance et l’expertise d’APRR, ce point névralgique des trajets vers l’agglomération dijonnaise s’est totalement réinventé. Visite guidée d’un péage définitivement canonique.

Textes : Michel Giraud – Photos : Jonas Jacquel

C’est l’histoire d’une barrière de péage. Dans le jargon autoroutier, on l’oppose aux gares de péage, plus petites, et on la dénomme ainsi parce que Crimolois marque non pas une sortie, mais bel et bien la fin d’une autoroute. En l’occurrence l’A39 qui relie l’agglomération dijonnaise à Bourg-en-Bresse, via Dole.

Mathias Toussaint est l’un des cadres chargés de la gestion du site. Depuis son bureau, il garde un œil en permanence sur les six voies de sortie qui s’ouvrent vers le Dijonnais : « Crimolois a cette particularité d’être un péage qui vit au rythme des trajets domicile-travail, ce que l’on appelle le trafic pendulaire », pose-t-il en préambule. Peu impacté par le ramdam des vacances, le site est plutôt rythmé par les horaires de travail de Monsieur Toutlemonde, « des gens venus de Dole ou d’Auxonne, qui viennent travailler dans l’agglomération. De fait, nous connaissons des pics entre 6 h 30 et 9 h 30, vers midi et le soir entre 16 h et 19 h ». Soit, au bout du compte, jusqu’à plus de 200 véhicules par heure rien que pour la voie de télépéage sans arrêt. « Et ça quasiment tous les jours de la semaine. »

Devant sa myriade d’écrans, Cathy veille au bon fonctionnement des systèmes de télépéage de Dijon-Crimolois. En cas de besoin, elle peut intervenir immédiatement à distance. Et toujours avec bonne humeur.

Devant sa myriade d’écrans, Cathy veille au bon fonctionnement des systèmes de télépéage de Dijon-Crimolois. En cas de besoin, elle peut intervenir immédiatement à distance. Et toujours avec bonne humeur.

Maillon essentiel

Crimolois est un des maillons essentiels de l’organisation d’APRR dans le contournement de Dijon. « In situ, nous gérons cinq autres péages à Soirans, Arc-sur-Tille, Til-Châtel, Dijon Sud et Nuits-Saint-Georges », détaille Mathias Toussaint. Soit une trentaine de personnes affectées soit à la maintenance, soit à la surveillance. Trente personnes et un seul péager. Le gestionnaire nous voit venir et prend les devants : « On nous a longtemps reproché d’avoir enlevé l’humain des péages. C’est faux. Il faut comprendre que le métier de receveur est fastidieux. On évolue dans le froid, le chaud, au milieu des gaz d’échappements, au contact d’automobilistes pas toujours courtois. » L’autre raison majeure, plus structurelle, « c’est l’usage croissant du télépéage et des cartes bancaires (ndlr, plus de la moitié des usagers de Crimolois) au détriment des paiements en espèces. Même si les poids lourds étrangers utilisent encore de la monnaie, les besoins en perception manuelle ont fortement diminué. » Et d’insister, une bonne fois pour toutes : « Le face à face avec l’automobiliste n’existe plus, mais nous avons simplement créé de nouveaux postes, plus dans l’ombre mais plus valorisants, en transférant les compétences. »

« Bonjour ma p’tiote »

Pour comprendre, direction le centre de télé-exploitation et de surveillance, une sorte de base arrière faite d’écrans, d’ordinateurs et d’interphones à deux pas des voies de péage. Une hotline, selon l’expression moderne consacrée. Cathy a connu le contact au plus près des automobilistes. Elle égrène ses souvenirs souvent cocasses, parfois people, comme la Mercedes de Jean Lefebvre et son « bonjour ma p’tiote », le bus blanc de Michel Polnareff ou le costume rose du grand Gérard Depardieu. Aujourd’hui, c’est derrière un écran de contrôle qu’elle poursuit son métier. « Sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, des employés veillent sur le péage, enchaîne Mathias Toussaint. Lorsque vous déclenchez un appel sur les bornes de paiement, la personne qui vous répond est à quelques mètres de vous. Avec ces nouveaux dispositifs, nous avons gagné en sécurité pour nos agents. Aujourd’hui, tout est faisable à distance. Depuis nos écrans de surveillance et nos ordinateurs, nous contrôlons l’ensemble des passages et des transactions. Tout est filmé, tracé, seconde par seconde. »

La barrière de péage de Dijon-Crimolois est le témoin privilégié des scènes de la vie ordinaire, de ces automobilistes qui viennent et reviennent du travail. Elle est, à sa manière, une mémoire du temps, un morceau de patrimoine de la route.

La barrière de péage de Dijon-Crimolois est le témoin privilégié des scènes de la vie ordinaire, de ces automobilistes qui viennent et reviennent du travail. Elle est, à sa manière, une mémoire du temps, un morceau de patrimoine de la route.

Contrôle permanent

Gérer un flux d’automobilistes, avec les risques que cela comporte, ne supporte pas l’à-peu-près. « Cela implique même un contrôle permanent », reprend notre guide.

Sécurité. Le mot d’ordre est partout, rivé dans les procédures des agents de maintenance du péage. Eux sont les hommes de terrain prêts à sortir au plus près des voitures pour réparer une barrière ou remettre du papier dans un borne. Ils veillent aussi sur l’imposant groupe électrogène capable de suppléer à tout moment une panne de courant qui viendrait paralyser l’ensemble de l’impressionnante machine. Ainsi va la vie de Dijon-Crimolois.


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Philippe Bourbon, le dernier des péagers

« Les gens sont souvent surpris de me voir, heureux en tout cas de pouvoir échanger quelques mots. » Vingt-sept ans maintenant que Philippe Bourbon occupe sa guitoune qu’il aime tant. À Crimolois, il est le dernier agent en cabine. Il y restera certainement jusqu’à la retraite, et ce n’est pas pour lui déplaire : « J’ai une vue sur tout le péage, surtout je suis au contact des hommes et des femmes qui empruntent l’autoroute. » Philippe travaille en deux-huit. Ce jour-là, il est en poste depuis 5 h 40 du matin. Du genre loquace, il a « encore en mémoire le jour où, à Til-Châtel, un routier a été pris d’un malaise juste devant moi. J’ai tout de suite alerté les secours, l’hélicoptère s’est posé sur les voies. Impressionnant ! J’espère lui avoir sauvé la vie… »

Il y a aussi ceux, distraits peut-être, farceurs sans doute, qui lui commandent des hamburgers. Philippe garde intacte sa passion pour les voitures. Il connait tous les modèles et les repère au loin. « À Crimolois, je suis gâté. Le vendredi soir surtout, quand nos voisins suisses, au volant de leurs Porsche ou Ferrari, viennent rouler sur le circuit de Dijon-Prenois. Là, obligé, je leur demande de faire ronfler le moteur ! »