Après plus de 30 ans au plus haut niveau national, la JDA a fait de Dijon une ville pétrie de culture basket, dont le rayonnement passe désormais aussi par ses performances dans la raquette. Une petite révolution pour la cité des ducs, où le handball fut longtemps roi. Rétrospective d’une mutation.

24 mars 1990. Après une victoire sur le parquet de Nancy grâce à un David Henderson en fusion (41 points), la JDA Dijon obtient le graal. S’ouvrent alors les portes d’un monde inconnu, la Nationale 1A (devenue la Pro A en 1993), une juste récompense après tant d’années d’attente pour le plus vieux club de basket français – rappelons que la Jeanne d’Arc est née sous la forme d’un patronage en 1880, avant même l’invention de ce sport, et que sa section basket a vu le jour en 1924.

Dans une ville longtemps dévolue au hand, l’avènement de la JDA marque un tournant. Car en ce début des années 90, c’est morne plaine. Plus aucune équipe dijonnaise n’évolue au top niveau national. Depuis 1985, les handballeurs du Cercle sportif laïque dijonnais cravachent en deuxième division, après avoir été champions de France en 1973 et être restés parmi les meilleurs jusqu’au début des années 80. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’antre de la JDA, le palais des sports Jean-Michel Geoffroy, porte le nom d’un ancien international du CSLD. Côté foot, la situation est encore moins brillante : après trois saisons en D2, le Cercle sportif dijonnais sombre tant sportivement que financièrement, et se retrouve relégué en CFA (4e division) en 1991. 

« On faisait la fête avec les joueurs au retour »

Pour sa première saison dans l’élite, la JDA va montrer au grand public que la ville de Dijon était taillée pour le basket. Menée par le formidable Billy Goodwin, un Américain qui a fait sa vie à Dijon depuis, l’équipe termine à une très honorable 6e place, avec de surprenantes victoires sur des grosses écuries comme le Racing, Cholet ou encore l’Asvel. Au-delà de ses résultats sportifs, le club se fait aussi remarquer par l’engouement qu’il suscite en Bourgogne. Les nombreux voyages en train organisés à l’extérieur par la JDA pour ses supporters surprennent ses adversaires et attisent la curiosité de l’émission Stade 2, qui envoie sur place le sémillant Richard Diot pour rendre compte de cette incroyable ferveur. 

Membre du Kop Sud, l’historique club de supporters, Christelle Billardon a vécu en direct ces débuts fracassants : « À l’époque, la SNCF était un gros sponsor de la JDA et affrétait des trains pour les déplacements à l’extérieur. Comme mon père était cheminot et fana de basket, il m’a entrainé dans l’aventure des Chouettes bleues (ndlr, le premier nom du club de 1988 à 2002). L’ambiance était incroyable, avec jusqu’à 500 personnes par voyage qui profitaient de la diffusion de matches sur un écran, d’un coin maquillage et même d’un wagon discothèque où on faisait la fête avec les joueurs au retour. » Aujourd’hui, Christelle poursuit sa carrière de supportrice passionnée, toujours avec son père, mais aussi son mari et sa fille. 

Une affaire de famille, à l’image des aficionados qui animent systématiquement la tribune sud du palais des sports. « Notre club de supporters se veut familial, confirme Isabelle Gélinotte, la présidente du Kop Sud. Parmi notre petite centaine d’adhérents, il y a des jeunes et des anciens, des femmes et des hommes, des personnes handicapées aussi, tous portés par la même passion du basket et de la JDA. Depuis le temps, on fait partie des meubles et on joue à fond notre rôle de 6e homme sur le terrain. Les joueurs nous le disent d’ailleurs, on est indispensables ! » 

Dijon, capitale sportive

Autre témoin privilégié de l’ambiance au palais des sports de Dijon, Stéphane Bescond a joué chez les Espoirs de la JDA avant de devenir le speaker officiel du club entre 1993 et 2012. « Les soirs de match, il se crée une communion incroyable entre toute une ville et son équipe, témoigne-t-il. Si Dijon est ton centre du monde, tu ne peux que soutenir la JDA ! Ses supporters sont fiers d’être dijonnais et ne baissent jamais la tête. Dans certaines villes comme Limoges, le basket est une bouée de sauvetage. Ici, c’est le meilleur ambassadeur d’une capitale sportive et culturelle déjà très attractive par ailleurs. » Et de rappeler que la Jeanne fut un club précurseur dans l’introduction du basket-spectacle à l’américaine : « Dans les années 90, toute la technologie actuelle n’existait pas. On a créé les premiers jingles sur bande magnétique ! Dijon peut revendiquer la paternité de musiques devenues incontournables, celles de John Miles ou de Gary Glitter, qui ont ensuite été reprises dans de nombreuses salles françaises. »

Dirigeant de l’agence événementielle 5 Majeur, l’ex-speaker est depuis peu président du Club Affaires de la JDA, qui regroupe 90 entreprises : « Ici, le business et le sport de haut niveau font bon ménage. Abnégation, volonté, force mentale, prise de décision… les chefs d’entreprise partagent de nombreuses valeurs avec les joueurs. À Dijon, le basket est devenu un formidable vecteur pour se constituer un réseau, rencontrer des prescripteurs, faire des affaires dans une ambiance conviviale. »

L’équipe de la JDA 
soulève le trophée de 
la Leaders Cup 2020.
L’équipe de la JDA soulève le trophée de la Leaders Cup 2020. © DR

Un club pro à tous les niveaux

Avec des supporters exemplaires, un public de connaisseurs et des entreprises concernées, la culture basket a infusé doucement mais sûrement dans le bassin dijonnais. D’autant plus depuis la reprise du club par Thierry Degorce et sa sœur Nathalie Voisin, respectivement président et directrice générale du groupe JDA, ainsi que du groupe Iserba, spécialiste de la maintenance immobilière. « Après quelques années en demi-teinte au niveau des résultats, et une saison 2010-2011 en Pro B, le club était dans le creux de la vague quand la nouvelle direction est arrivée en 2014, avec une vision plus professionnelle et dépassionnée du basket, récapitule Lucile Bongiovanni, directrice commerciale et marketing du club. Fort de sa logique entrepreneuriale et omnisports (ndlr, depuis 2018, la JDA Dijon Bourgogne, c’est aussi une équipe féminine de handball qui évolue en 1ère division), Thierry Degorce a su faire de la JDA un club vraiment attractif, tant sur le plan sportif qu’économique. Pour preuve, notre équipe de basket a terminé dans le top 5 de l’élite française ces 5 dernières années, devant des clubs aux moyens financiers bien supérieurs aux nôtres (ndlr, pour la saison 2022-2023, Dijon pointe à la 11e place des budgets de Pro A avec 5,5 M€, contre plus de 20 M€ pour Monaco). Et pas moins de 275 partenaires privés sont directement associés à notre réussite. »

Pleinement entrée dans l’écosystème et les mœurs dijonnaises, la Jeanne ne compte pas s’en arrêter là et affiche ses ambitions : « L’objectif du club est clairement de décrocher un titre européen, poursuit Lucile Bongiovanni. Pour cela, il nous faut devenir plus grand, plus fort, avec la capacité de dégager une masse salariale plus importante pour avoir un effectif encore plus performant. » En attendant, au-delà de l’aspect financier, l’attractivité du club et de la ville de basket qu’est devenue Dijon n’est plus à démontrer. Le retour de l’Américain Gavin Ware à la JDA, tout comme la capacité d’avoir su conserver le magicien David Holston, que le tout le basket européen nous envie, sont là pour le prouver.  

Affluence au palais 
Basket et hand confondus, la JDA Dijon Bourgogne a attiré pas moins de 135 000 personnes au palais des sports de Dijon la saison dernière. Sur la phase aller de la saison 2022-2023 de Betclic Elite, l’équipe de basket a attiré en moyenne 3 226 spectateurs, avec un taux de remplissage de plus de 80 % sur une jauge désormais réduite à moins de 4 000 places compte tenu de la réorganisation des espaces partenaires. Cela place la JDA à la 10e place du classement des affluences du championnat, encore assez loin de l’étonnant premier, le Sluc Nancy, avec 5 763 spectateurs en moyenne pour une salle de 6 000 places. À Dijon, les statistiques confirment la variété du public de la JDA basket, tant au niveau du sexe (40 % de femmes) que de l’âge (un tiers de moins de 25 ans, un tiers de 25-30 ans, un tiers de plus de 50 ans).