Optimiste de nature, le Monsieur Tourisme de la Bourgogne-Franche-Comté croit aux bienfaits du « slow tourisme » et de l’itinérance. La saison en cours et la précédente lui donnent raison. Patrick Ayache y ajoute une vision durable. Qu’il explique depuis sa mairie de Pirey, en banlieue bisontine.

Les responsabilités administratives, il connaît. Avant d’être le « neuvième vice-président en charge des ressources humaines, du tourisme et de l’attractivité de la Région » (ouf, on respire !), il a dirigé les services de Besançon. Cet ancien fonctionnaire territorial de haut niveau a aussi le sens de l’engagement. C’est dans sa mairie de Pirey, à quelques pas de Besançon, que nous le rencontrons, tout juste requinqué par un petit séjour en Dordogne. Preuve s’il en est que la France profonde n’a jamais eu autant d’adeptes.

Au pays des Piroulets et des Piroulettes, un nom qui chante, Patrick Ayache fait tout de suite le lien avec ce premier niveau de lecture économique qu’est l’étage communal : « Il y a dix ans, on confiait le tourisme aux grandes métropoles de l’État, puis dans certaines villes moyennes. J’explique aujourd’hui que pour faire du tourisme, il faut passer par les villages. »

Tourisme = Attractivité

Tourisme et attractivité ne font qu’un. Cela résulte d’un premier constat : « Autrefois, les gens des campagnes considéraient que leur territoire n’était pas propice aux pratiques touristiques, mais cela a changé. » Le développement de l’hébergement, spectaculaire au cours de ces dernières années, est l’expression concrète de ces mutations en profondeur. « On l’a poussé dans nos précédents mandats, car il y avait un réel déficit en la matière », confie Patrick Ayache, appréciant au passage « une montée en charge phénoménale des nouveaux hôtels, campings, villages de vacances, et destinations insolites ». Désormais, la plupart de nos petites communes désignent un référent au tourisme. Cette aspiration est aussi celle de la néo-ruralité. Elle s’inscrit dans le sillage du grand choc sanitaire.
Certes, aux prémices du virus, il a fallu faire les pompiers. « Nous étions inquiets pour les hébergeurs et les opérateurs touristiques qui se retrouvaient dans une situation catastrophique au tout début. » La collectivité régionale s’est alors associée aux aides de l’État, distribuant 5 millions complémentaires pour éteindre l’incendie. Puis nécessité fait loi : « Puisqu’on ne pouvait plus aller à Ibiza, on a dit aux gens qu’ils pouvaient voyager tout en restant chez eux. »

Pas idiot et tellement indiqué en la circonstance. « Le grand reportage est au coin de la rue », disait Robert Capa, le fondateur de la prestigieuse agence de photoreportage Magnum. De la même façon, le tourisme se redécouvre dans la proximité. La Bourgogne-Franche-Comté a une offre tellement diversifiée, qu’il aurait été inconvenant, pour ne pas dire irresponsable, de ne pas surfer sur cette vague qui répond à deux aspirations nouvelles : la proximité et la durabilité. Ainsi est née la grande campagne « Sortez chez vous », couronnée de succès. Merci Corona !

« Les gens prennent moins l’avion, ils recherchent des destinations naturelles, le slow tourisme est devenu une réalité, c’est une tendance de fond », analyse Patrick Ayache. La première vague a fait disparaître les étrangers. Paris, à l’échelle nationale, tout comme Beaune, à l’échelle régionale, en ont fait les frais au premier tour. Mais en même temps, rappelle le Monsieur Tourisme de la Région, « l’enquête de satisfaction sur les vacances 2021 n’a jamais été aussi bonne ». Bonne pioche. En 2022, il semblerait bien que l’on va remettre ça, en mieux, car « les tendances sont extraordinaires ».

Le grand écart de l’offre

Patrick Ayache est partisan du verre à moitié plein. « Dans l’attractivité globale, il y a trois moteurs. Nous sommes bons sur le plan touristique, plutôt bons sur le plan économique, mais il va falloir qu’on travaille l’attractivité. » Pour cela, on peut déjà compter sur l’effet ZAN (ndlr, Zéro Artificialisation Nette). Ce plan ambitieux va en vis-à-vis remettre les clochers au milieu des villages et la place de nouvelles activités économiques autour de ces clochers. Le vice-président de la Région reste convaincu que réussir dans le tourisme a un effet de levier sur l’attractivité. À une époque où de nombreux sites encouragent les Parisiens à quitter l’Île-de-France, on sent bien que ce mythe a en lui une certaine réalité.

Le conseil régional investit. Dans un contexte de concurrence naissante entre les régions, la néoruralité se finance à coups de projets. Car la collectivité s’attribue deux métiers fondamentaux. Le premier est structurant : « On a dépensé 100 millions depuis la première mandature de la Bourgogne-Franche-Comté, pour créer les conditions d’un développement touristique de qualité pour les canaux, les Véloroutes, le TER… 100 millions hors train. » Le deuxième métier c’est la promotion, portée par le comité régional de tourisme. À la fois vice-président de la Région et président de Bourgogne-Franche-Comté Tourisme, Patrick Ayache est l’homme de la situation, présent sur tous les fronts.

La « BFC » touristique vient de clore son premier schéma régional. Un quinquennat dédié à l’hébergement. Le nouveau schéma qui s’amorce privilégie l’itinérance. « Entre montagne, vignes, Véloroutes et grands itinéraires nationaux, notre région s’y prête merveilleusement », promet l’élu, prêt à en découdre pour accompagner le tourisme en mouvement. Le Comité régional de tourisme, bras armé régional, s’appuiera donc sur la mise en valeur de ces itinéraires, qu’on encourage jusqu’à 40 % des investissements s’il le faut. Avec une quarantaine de collaborateurs et un budget de 7 millions d’euros, dont 5,7 en provenance du Conseil régional, la « machine » promotionnelle revoit sa stratégie marketing. « Il nous faut en priorité sonder les touristes et identifier nos atouts avant de les mettre en avant. » De 2023 à 2028, la clé de voûte de l’action sera donc éco-responsable : tourisme durable, préservation des sites, écotourisme, renforcement de l’itinérance. L’œnotourisme, qui occupe ici une place à part, est une valeur ajoutée précieuse à l’équilibre global d’un système qui s’attachera aussi à améliorer ses clés de lecture de l’activité touristique. Il est difficile, par exemple, d’identifier la part française de la fréquentation, en dehors de ce que l’on peut espérer comptabiliser via la traçabilité du réseau Orange. Les enquêtes de satisfaction sont heureusement une base d’informations sur laquelle il est possible de s’appuyer.

C’est un mode imparfait. Tant mieux après tout. Car la Bourgogne-Franche-Comté est riche de sa diversité. Elle fait le grand écart de l’offre. Elle est « capable d’offrir 3 jours dans un lac sauvage du Jura et 3 jours de dégustation de grands crus ». Le tout sur un mouvement de fond porté par le dérèglement climatique et générateur d’une prise de conscience collective. L’écotourisme a un grand avenir devant lui. Pirey, son église au toit comtois et sa cadole reconstituée le savent bien. Monsieur le maire aussi.