On leur a notamment confié la Cité des climats de Chablis. Claude Correia, Cyril Brûlé et leurs collaborateurs trouvent leur inspiration dans l’humilité morvandelle. À Saulieu, l’Atelier Correia & Associés voit les choses en grand, très en phase avec leur époque. Loin des plans sur la comète, rencontre avec des « archis » aussi vrais que nature.

Les anis de Flavigny veulent construire une usine à deux pas de l’abbaye ? Ils sont là pour ça. Gevrey-Chambertin et ses vignerons ont besoin de transformer leur halle pour dévoiler leurs richesses au grand public ? On les choisit. L’hippodrome de Vitteaux-Marcilly mérite un coup de neuf ? Ils remportent le marché. Le cinéma de Saulieu veut réécrire son histoire, changer d’ère et d’air ? Leur intervention tombe sous le sens, car ils jouent à domicile.

La dream team de l’Atelier Correia est en effet profondément attachée à son Morvan. Claude Correia a su insuffler cet esprit dès le début des années 90. Formé aux Beaux-Arts à Dijon puis à l’architecture à Montpellier, cet autodidacte instinctif a, il est vrai, épousé la pharmacienne de Liernais. De quoi le conforter dans le choix de tracer son sillon créatif sur le granite morvandiau.

Frugalité heureuse

C’est en 1998, après quelques années à la tête de Technibat, un groupement d’entreprises du bâtiment, que Claude Correia a voulu élargir son champ de compétences. Passer de la maitrise d’œuvre à l’architecture. Cyril Brulé le rejoint dès 2001. Il deviendra vite l’associé emblématique de ce qui deviendra prochainement une Scop d’une demi-douzaine de personnes, qui comptera parmi ses partenaires d’anciens clients. « C’est un collectif, nous sommes tous ensemble dans le même bocal », s’amusent les deux « archis », à l’heure d’une passation paisible.

Le style maison est conforme à la douceur de cette transmission. L’Atelier Correia revendique une « démarche de frugalité heureuse », adhère à « une architecture à la hauteur des enjeux contemporains et à venir », considère que « la contrainte écologique est un levier de développement pour le territoire ». Construire ou rénover n’est en rien un acte anodin. Cela permet « d’enrichir la vie culturelle locale » tout en « vulgarisant la culture architecturale du mieux que nous pouvons ». Le tout porté par un évident crédo : « Vivre pleinement dans le territoire du Morvan et l’écorégion bourguignonne des bassins de la Seine, de la Saône et de la Loire. »

Chez Corrreia, la modestie est une règle de vie qui n’exclut pas de solides ambitions en phase avec la philosophie de l’atelier. À voir les maquettes exposées au gré des différents étages de l’immeuble étroit et vertical qui abrite le siège de l’entreprise, on prend pleinement conscience du grand écart existant entre cet environnement volontairement spartiate et les envolées audacieuses qui jaillissent d’une équipe réduite, complémentaire et soudée. Pour en saisir toute la réalité, il suffit de faire quelques centaines de mètres à pied pour, par exemple, admirer le remarquable résultat du spa construit pour le Relais Bernard Loiseau. Un peu à la façon dont le grand chef savait solliciter les circuits courts, les architectes sédélociens ont apporté la preuve que l’excellence est à portée de traceur.

Les plans à venir

Chez les Correia, la fibre artistique est d’ailleurs une pathologie familiale. Jean-Michel, le frère de Claude, est un peintre de renom au Canada. Il a joué son rôle dans la transformation exemplaire du cinéma local. « Le rose que tu proposes, je vais aller au charbon pour l’imposer », avait promis l’architecte, avec la complicité de son voisin et ami Jean-Pierre Tingaud, à la tête de l’association du cinéma en son temps, ainsi que l’intervention de l’excellent plasticien Olivier Mosset, par ailleurs amoureux fou de feue la Nationale 6. Le cinéma fera référénce au Cercle Rouge de Jean-Pierre Melville tourné pour partie sur la mythique route : un grand monochrome rouge prendra place sur un mur.

L’aventure continue avec Julien, fils de Claude. Formé en partie chez son oncle le peintre, il poursuit des études de très haut niveau et pousse l’art de l’architecture à son paroxysme culturel tout en se rapprochant discrètement du bercail, donc de l’atelier paternel. Julien est un chercheur dans l’âme et dans les faits. « Il va loin, il voit loin », lâche, admiratif, son propre géniteur. Cyril Brulé le premier se réjouit de ces perspectives. Porté par sa sensibilité de paysagiste, il dessinera avec plus de gourmandise encore les plans à venir d’une aventure tant philosophique que simplement architecturale.

Car c’est bien dans la connaissance et la prise en compte de l’histoire que naissent les idées les plus novatrices. Chez Correia, on ne refuse jamais un dossier. « On en traite une centaine par an, parce qu’on ne sait pas dire non », reconnaît Cyril. Quoiqu’il en soit, quoiqu’on en dise, quoiqu’il en coûte, il n’y a pas de petite problématique. C’est dans les appels du quotidien, d’un intérieur à refaire ou d’un espace à agrandir qu’on décèle les attentes plus larges d’une société en mouvement. La vérité est toujours au fond du puits de l’humilité.