Les métiers ont du sens, apprendre à les aimer et à mieux se connaître est la meilleure façon de s’assurer une réussite professionnelle. Avec la Voie des Talents, le cluster Créativ’, le Campus des Métiers et des Qualifications et leurs partenaires ont ouvert une nouvelle voie pour séduire les jeunes et les sans-emploi. Décryptage.

12 octobre 2021, entre les murs du Consortium, un environnement prestigieux dédié à l’art contemporain. L’espace donne libre court à l’imagination, il titille les envies. Et pourtant, la proposition est très concrète : la Voie des Talents est un concept novateur de l’approche du monde du travail. Avant de parler salaires et congés payés, ce concept suggère de trouver sa voie par la compréhension du domaine visé. Un véritable enjeu de société.

Parcours ludique

Près d’un millier de scolaires et de sans-emploi ont choisi de vivre l’expérience. Ils se livrent gentiment à un test de personnalité, avant de s’interroger sur leurs envies les plus profondes, les plus durables. Puis on les coiffe d’une charlotte et on les couvre d’une blouse. En route pour un parcours inédit, qui leur fera voir la construction d’un poulet à la Gaston-Gérard sous un autre angle, étape par étape, dans les différents secteurs économiques qui composent son fond de sauce.

Tout commence par la découverte de l’univers d’une usine agroalimentaire. Puis on se prend au jeu de la mise en sachet des oignons déshydratés, on participe à un tetris sur la logistique, on incarne le rôle du vendeur dans un serious game. Tout ça avant de découvrir la toujours surprenante diversité des offres d’un marché agroalimentaire en mal de main d’œuvre. 370 postes disponibles rien que pour la Côte-d’Or. La révolution du recrutement est donc en marche. Le rapport entre l’humain et le monde du travail aussi.

Cela fait quelques années que Créativ’ se penche sur le sujet. Cet organisme se présente comme un « cluster emploi-compétences du bassin dijonnais ». Il occupe une place à part à la marge de Pôle Emploi et relève le défi de révéler les talents là où on ne les attend plus. Il propose de chercher des compétences là où on ne les devine pas, à l’écart du circuit bien huilé du plein emploi.

Le sens des métiers

Notre société n’est pas à un paradoxe près. Elle se plaint du chômage mais ne trouve pas de main d’œuvre dans bien des secteurs, notamment dans les métiers de bouche et le CHR. Les politiques et les institutions répondent tant bien que mal à ces attentes. Mais trouver sa voie est un domaine qui touche à l’intime. Fabrice Rey, à la tête de Créativ’ jusqu’au début de l’année 2022, a donc pris son bâton de pèlerin pour convaincre les institutions d’investir dans un prototype de la séduction pour futurs employés épanouis.

La Région, financeur naturel de Créativ’, Dijon Métropole et l’Union européenne ont les premiers permis à la Voie des Talents d’ouvrir de nouvelles perspectives et d’éclairer un public au-delà des méthodes traditionnelles de recrutement. « Être un bon serveur par exemple, implique de bien connaître son environnement, son terroir, d’être à l’aise avec les gens », poursuit Fabrice Rey.

De nombreux acteurs du territoire ont signé pour cette initiative sensorielle : Vitagora, le pôle de compétitivité de l’agroalimentaire, l’Umih Côte-d’Or (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie), la Chambre de Commerce et d’Industrie locale, l’Académie de Dijon et le GPPR (Gastronomie et Promotion des Produits Régionaux de Bourgogne-Franche-Comté). Sans oublier le Campus des Métiers et des Qualifications (CMQ), bien dans son rôle de liant entre l’école et le travail.

Aurélie Gimbert, responsable du Campus, développe son propos : « Nous sommes la goutte d’huile dans les rouages. Les métiers doivent être abordés avec du sens, car avant de faire un choix, il est important de savoir qui on est, quelles sont nos envies et nos talents. » Le principe de l’immersion agit comme un révélateur. À chaque étape du parcours, le cherchant croise un professionnel, un professeur ou un formateur qui lui apporte son éclairage. À lui ensuite d’affirmer son choix, mais en toute connaissance de cause.

Une idée à reprendre

Sur le terrain, les avis convergent. Philippe Delin, patron emblématique de la fromagerie éponyme à Gilly-les-Citeaux, ne cesse de prêcher pour la quête de séduction : « Notre entreprise est de souche familiale, elle est une militante territoriale. Dans un contexte de dévalorisation des travaux manuels, la formation se fait autour de ces valeurs fondatrices et du savoir-être. » Le fameux savoir-être, absent des ouvrages pédagogiques, mais pourtant déterminant dans la réussite professionnelle.

Antoine Barré-Foncelle, cofondateur et directeur du café-restaurant La Menuiserie, rue des Godrans à Dijon, est dans le même état d’esprit. Son établissement revendique des valeurs écologiques et sociales. En le fréquentant, on ne fait pas qu’y manger, on adhère plus largement à un style de vie. Il fallait une telle originalité pour que Marine, 21 ans, s’y arrête. « Je ne suis pas une bonne élève à la base », reconnaît cette amoureuse de l’agriculture. Après une première expérience en MFR à Quétigny, la jeune femme a eu l’occasion « d’apprendre à connaître le mouton et à faire de la laine ». S’en est suivi un Bac agricole, une expérience en Allemagne et un apprentissage étouffé par le Covid. Aujourd’hui, elle officie en cuisine à La Menuiserie, dans un environnement en rapport avec l’atypicité de son profil.

Mattéo est d’une nature différente. Du haut de ses 16 ans, il semble bien se connaître. « J’aime bien parler avec les gens, je veux les rendre heureux, c’est une envie que tout le monde ne partage pas », affirme cet élégant garçon qui, en se projetant chef de rang, rencontre un métier qui le rend extraverti. Carine Lieutet est sa professeure au lycée Le Castel. 

Avant de former, Carine a longtemps exercé le métier. Désormais, elle apprécie ce savoir-être et la cohésion d’équipe qui séduisent les nouvelles générations. Surtout dans des secteurs comme ceux de l’hôtellerie et de la restauration, qui doivent se défaire de certains archaïsmes quasi militaires. Le « monde d’après » comme on dit désormais, est donc bien celui de la révolution des comportements, aussi bien du côté de l’employeur que de celui ou celle qui adhérera à son projet. La Voie des Talents ouvre de nouvelles perspectives, l’idée mérite d’être répétée et dupliquée. « Avis aux volontaires », lancent ses concepteurs