— L’Écrin de Talant n’a pas encore exploité tout son potentiel, pour les raisons que l’on connait. Retour sur une création municipale réussie, qui mise sur la qualité de sa programmation et ses infrastructures pour 2021. Car demain, il faut l’espérer, les événements reviendront et la culture en ressortira plus forte. Elle a toujours en elle les gênes du talent.

À peine dix mois de fonctionnement normal depuis son inauguration en mars 2019. On ne reviendra pas plus en détails sur l’annus horribilis que L’Écrin et les autres professionnels du spectacle ont subi partout en France. À Talant, tout avait pourtant si bien commencé. Après vingt-deux mois de travaux, la municipalité avait enfin assis, tout en haut de son promontoire bordé par le lac Kir, une salle de spectacles au rayonnement départemental. Pour en garder la maîtrise sur le fond et la forme, elle avait fait les choses bien en injectant 4,2 des 5,5 millions totaux, principalement complétés par l’État (1 million) et le Département de Côte-d’Or (253 000 euros). « Avec un budget prévisionnel de 700 000 euros chaque année, incluant le coût RH de six personnes au quotidien et d’une petite équipe d’intermittents », retrace sa directrice Hortense Bourguignon. Les recettes billetterie ne devaient pas être les seules à rééquilibrer la balance : L’Écrin s’appuie sur une habile proposition locative, « grâce à la salle Saint-Exupéry, au niveau -1, entièrement rénovée et pouvant accueillir 550  convives sur un plateau nu de 560m2. Le projet a été voté en ce sens. Ce point est au cœur de mes préoccupations ; mon profil est plutôt celui d’une gestionnaire sans être nécessairement ‘‘cultureuse’’ même si je me passionne pour ce que je fais au quotidien. » 

Hortense Bourguignon dirige l’Écrin depuis son inauguration en 2019.

Enjeu architectural

D’un point de vue architectural, L’Écrin est intégré avec soin dans le paysage, personne ne le conteste. L’architecte lyonnais Nicolas Guyot, rompu aux réalisations de ce genre, avait « très vite compris les enjeux et l’ambition en ce qui concerne aussi bien la culture que l’urbanisme. Cet écrin, il fallait l’insérer dans un cadre symbolique, qui fait l’union du vieux et du nouveau Talant, au pied du parc de la Fontaine aux Fées », précise la directrice, bien consciente que la ville n’avait plus connu de chantier de cette envergure depuis sa bibliothèque en 2005. Une paille !  

À l’intérieur, la salle a été conçue pour donner le sentiment d’être proche du sujet, avec un plateau de 18 m de large et 12 m de profondeur, « ce qui laisse de belles possibilités aux artistes et ouvre notre spectre de programmation : concerts, pièces de théâtre, spectacles d’humour… » La capacité maximale est de 442 places assises, dont 10 pour personnes à mobilité réduite. « Cette jauge intermédiaire manquait sur le territoire de la métropole », estime Hortense. La capitaine du navire talantais se languit d’accueillir à nouveau les visiteurs avec son équipe, dans un style décontracté et pro qui fait la force du lieu. Avant de s’installer dans le moelleux des sièges (il n’y a pas de fosse debout), chacun peut d’ailleurs profiter d’un  foyer-bar de 218 m2, avec une agréable terrasse offrant un vue dégagée sur le début de la vallée de l’Ouche. La tenue d’événements en tout genre, du séminaire d’entreprise au salon de produits locaux, se retrouve sensiblement valorisée par ce cadre contemporain, aux lignes très « instagrammables », inscrit dans un cadre préservé.

« Nous allons étonner ! »

En clair, l’écrin est là et bien là. Après une année de disette, il faudra remettre quelques bijoux de programmation à l’intérieur, dans des conditions qui promettent d’être acrobatiques. « Travailler dans une salle de spectacles, c’est avant tout accueillir le vivant et s’y confronter, recueillir en direct les réactions des publics, des artistes, des techniciens… Cette crise fissure le pilier de la culture, elle nous a privés de ce lien fort », glissait Hortense Bourguignon avant d’entamer une nouvelle saison de tous les défis. L’expérimenté régisseur général Philip Blandin y veille. Bon point, la capacité d’attraction de L’Écrin est intacte.

Si tout va bien, Talant verra quelques têtes d’affiche passer par là en 2021 : Yannick Noah, Pierre Palmade (ndlr, spectacle annulé entretemps à cause de vous-savez-quoi), Manu Katché… Il y aura aussi, comme d’habitude, une large proposition pour petits et grands. « L’Écrin sera la tête de pont de notre nouvelle offre culturelle globale », dixit Fabian Ruinet, le nouveau maire de la quatrième ville de Côte-d’Or, soucieux par ailleurs de diffuser la culture ailleurs dans la ville et de se rapprocher de la Métropole sur plusieurs points. « Nous allons intégrer le ‘‘hors les murs’’ aux structures déjà existantes, pour une proposition plus dense et cohérente au cœur de nos quartiers. Nous l’avons pensée avec Laurent Arnaud, adjoint à la culture et au patrimoine. Art’Go, nouveau collectif d’artistes en résidence au sein du bourg, est un des éléments de notre projet de territoire que nous voulons plus participatif. Nous allons étonner ! »

La promesse est faite. Avant toute chose, elle a le mérite d’exciter la proposition culturelle d’une agglomération longtemps nue sur ce plan. C’était bien avant que Dijon ne devienne métropole. Hortense Bourguignon, qui a quitté la ville à l’âge de 16 ans pour mener notamment des études en Suisse, peut en témoigner. « À l’époque, Besançon bougeait plus que Dijon », fait-elle remarquer. Revenue au bercail, la directrice apprécie aujourd’hui « la qualité et la variété de l’offre culturelle, notamment en ce qui concerne les salles de spectacles : le Cèdre, La Vapeur, le Zenith… Une des premières choses que j’ai faites à mon arrivée, c’est d’aller les voir dans un souci de transparence, pour éviter des attitudes concurrentielles. Nous travaillons tous pour l’attractivité d’un territoire, surtout en ce moment. » Après l’annus horribilis 2020, il faudra en effet hisser le drapeau vert de l’espoir. Habituellement, la couleur porte malheur sur scène. Mais franchement, par les temps qui courent, les professionnels du secteur se passeront bien des conventions.    —

Fabian Ruinet, nouveau maire de Talant, nourrit de beaux espoirs culturels pour sa ville. L’Écrin est naturellement au centre de ses préoccupations.