L’exposition « Un âge du fer africain » tenue au musée de Bibracte est l’occasion d’apprécier à sa juste valeur la vocation internationale du « Grand site de France » morvandiau. Depuis les hauteurs sauvages du mont Beuvray, là où se tenait la capitale du peuple gaulois des Eduens, Bibracte continue à rayonner sur le monde de l’archéologie, entre fouilles, musée et recherche.

Par Geoffroy Morhain
Photos : Jean-Luc Petit, sauf mention contraire

Ici, sur les hauteurs du mont Beuvray (821 m), se tenait au 1er siècle avant Jésus Christ l’oppidum de Bibracte, un centre névralgique du pouvoir, de l’artisanat et du commerce au centre d’un vaste espace celte qui se déclinait déjà à l’échelle européenne. De nos jours, touristes et chercheurs ont remplacé forgerons et frappeurs de monnaies, mais le site continue pourtant de rayonner, au-delà des frontières de notre petit Morvan, sur l’ensemble du monde archéologique.

Entre terrain de fouilles, musée et centre européen de recherche archéologique, le nom de Bibracte résonne à l’international, comme le prouvent les expositions qui s’y succèdent ces derniers temps : sur les traces des premiers nomades de Haute-Asie l’an dernier, dans les pas des premiers forgerons de l’Afrique subsaharienne cette année. Missions d’aide, chantiers partagés, programmes de recherche collectifs, stages de formation scientifique ou de gestion des sites patrimoniaux… Autant d’activités qui témoignent de la volonté de Bibracte de s’ouvrir au monde, en accord avec la vocation de coopération internationale inscrite dans les statuts et l’ADN de cet éternel haut lieu.

Vincent Guichard, directeur de Bibracte, dans la brousse du Burkina. © Vincent B.

Vincent Guichard, directeur de Bibracte, dans la brousse du Burkina. © Vincent B.

Des Burkinabés dans le Morvan

En ce jour d’inauguration de l’exposition « Un âge du fer africain », une délégation de l’ambassade du Burkina Faso est spécialement montée de Paris jusque dans cette campagne morvandelle reculée. Elle accompagne Lassina Simporé, archéologue de métier, mais aussi directeur des sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco, une des principales chevilles ouvrières de l’exposition, dont l’idée a germé à l’occasion d’un stage sur la gestion des sites patrimoniaux organisés à Bibracte : « Le fer, c’est le métal des outils agricoles, indispensable à la densification de l’occupation du sol ; c’est aussi le métal des armes, indispensable au maintien des pouvoirs militaires et politiques. C’est ici, lors de ce stage, en découvrant le site de Bibracte, que j’ai réalisé à quel point le fer a eu un rôle essentiel dans le développement des sociétés humaines. Ça m’a permis d’avoir un autre regard sur les sites de métallurgie ancienne de réduction du fer qui sont dispersés dans la brousse du Burkina Faso et attendent leur inscription au patrimoine mondial de l’Unesco (ndlr : l’enceinte monumentale de Loropéni, datée entre les XIIe et XIVe siècles, est le seul bien burkinabé qui en fait partie pour l’instant)Ce parallèle avec la civilisation celte nous as donnés l’idée de cette exposition sur un autre âge de fer, africain celui-là. »

Avec, également à l’origine de l’exposition, plusieurs missions de coopération internationales qui ont permis d’avancer sur le terrain des fouilles, au Burkina Faso, mais aussi en Côte d’Ivoire.

« Les formations organisées à Bibracte sur la gestion des sites patrimoniaux sont à l’image de l’ouverture sur l’extérieur que le site a toujours eu, notamment à travers la recherche avec son Centre archéologique européen, constate Lucie Pára, chargée de mission internationale au Réseau des Grands Sites de France. Cette posture est également liée à la personnalité du dirigeant de Bibracte, Vincent Guichard, qui a toujours souhaité regarder à l’extérieur pour mieux comprendre son propre site. Les sites et les contextes peuvent être très différents, mais les problématiques qui lient nature et culture sont souvent les mêmes, et la mise en commun des informations autant que l’entraide des archéologues bénéficie à tout le monde au final. »

Prix européen des musées

Lucie Para, chargée de mission internationale au Réseau des Grands Sites de France pose sur la terre africaine reconstituée à Bibracte au sein de l’exposition « Un âge du fer africain » © Jean-Luc Petit

Lucie Para, chargée de mission internationale au Réseau des Grands Sites de France pose sur la terre africaine reconstituée à Bibracte au sein de l’exposition « Un âge du fer africain ».

Bibracte récompensé

Pour sa 39e édition, le Prix européen des musées 2016 a récompensé le musée de Bibracte en lui attribuant la mention spéciale pour le développement durable. Le jury a relevé qu’il avait été impressionné par son implication à différents égards dans le champ de la gestion durable tant du point de vue environnemental que social : gestion durable du paysage forestier qui entoure le musée, équipements de basse consommation énergétique, soutien d’initiatives de réinsertion par le travail, développement de programmes d’activités dédiés à un public large incluant les habitants alentour.

De Ouaga à Oulan-Bator via Berlin

Mais le cosmopolitisme de Bibracte a pris bien d’autres formes depuis la naissance du site archéologique, qui fait l’objet d’un programme de recherche international dès 1984. Décidé par ministère de la Culture et coordonné par l’établissement public de coopération culturelle Bibracte EPCC, ce programme est mis en oeuvre par les partenaires scientifiques du Centre archéologique européen. Concrètement, quelque 300 chercheurs et étudiants sont accueillis ici chaque année pour participer à ce programme de recherche, pour un total de 4 500 journées ouvrées. Le programme fonctionne comme une plateforme de formation partagée par différentes universités européennes.

Une dimension internationale que l’on retrouve à travers les réseaux auxquels Bibracte participe activement, qu’il s’agisse l’Ecole européenne de protohistoire de Bibracte (EEPB), du Prix européen d’archéologie Joseph Déchelette ou encore des jumelages avec des sites ou musées étrangers. Sans oublier les quelques 80 000 visiteurs par an (dont 42 000 au musée), de toutes nationalités, qui affluent chaque année sur le site, attirés par l’histoire, la magie des lieux et le magnifique panorama qui se dévoile depuis le sommet du mont Beuvray, quelques virages au-dessus du musée et de l’ancienne cité celte découverte sous la couverture forestière.

Expo

© Jean-Luc PetitUn âge du fer africain

L’exposition se propose de mettre en lumière un sujet méconnu en Europe : l’ancienneté et surtout l’ampleur et la diversité des modes de production du fer en Afrique de l’Ouest, plus particulièrement dans les régions de brousse situées au sud du Sahel. Au travers de vestiges archéologiques, de pièces ethnographiques, de reconstitutions, de maquettes et d’images anciennes ou actuelles des métallurgistes et de leurs fourneaux, le musée de Bibracte vous invite à une plongée inédite au coeur de « l’âge du fer africain ». L’exposition conçue pour être itinérante sera présentée en 2017 au musée national du Burkina Faso à Ouagadougou avant de circuler en Afrique de l’Ouest.


Exposition jusqu’au 13 novembre 2016
Musée de Bibracte, 71990 Saint-Léger-sous-Beuvray
03.85.86.52.35 – [email protected]