Benjamin Magnen a construit son parcours d’entrepreneur hybride avec une ligne de conduite : faire « matcher » les besoins d’un marché avec le besoin social et environnemental de son territoire.

Benjamin Magnen a construit son parcours d’entrepreneur hybride avec une ligne de conduite : faire « matcher » les besoins d’un marché avec le besoin social et environnemental de son territoire.

Avec Happy Bourgogne, le fondateur de la culte Péniche Cancale mise sur le tourisme expérientiel et place une nouvelle fois l’humain au cœur du propos. Un dénominateur commun avec son destin d’entrepreneur de territoire : « Concilier l’efficacité économique et l’intérêt général ». Interview.

Propos recueillis par Alexis Cappellaro – Photo : D.R.

À 40 ans, Benjamin Magnen est un acteur culturel et économique bien connu du Dijonnois. Arrivé dans la cité ducale en 1986, cet électron libre hyperactif (il fut pigiste au Bien Public, a travaillé chez Zutique Productions…) s’est imprégné de sa région adoptive et de l’histoire familiale au point de devenir, comme il le dit volontiers, un « entrepreneur de territoire ». En plus de la gestion de la holding léguée après le décès, en 2015, de son industriel de papa, le fondateur de la Péniche Cancale a lancé en mai 2017 la plateforme Happy Bourgogne. Avec un état d’esprit vertueux avant tout, nourri par la conviction que l’économie sociale et solidaire est un chemin à suivre.

On prend peu de risques en disant que ce virus de l’entreprise est avant tout familial…

Bien sûr. Avant d’être un « business angel », mon père, Philippe Magnen, a fondé Bericap dans les années 70, sur la zone d’activités Dijon-Longvic. Le groupe est devenu un des leaders mondiaux du bouchage plastique. Je me souviens encore des tournées dans l’usine avec lui, tout petit. Il prenait une demi-journée par mois pour faire le tour de ses salariés et les saluer. Il m’a transmis cette valeur travail et cette sensibilité-là. Ma maman a été assistante sociale, prof à l’Irtess de Dijon, psycho-sociologue… J’imagine que je suis un peu la fusion des deux.

D’où cette implication dans l’économie sociale et solidaire (ESS). Que représente-t-elle ?

En gros, un modèle hybride pour des entrepreneurs hybrides. Historiquement, on parlait plutôt d’une économie sociale, qui se limitait aux statuts d’associations, de coopératives. Le mouvement post-68 a fait émerger la notion d’économie solidaire, avec une définition de valeurs. Les années 2000 sont la synthèse de tout cela, avec une labelisation claire. Mais mon vrai référentiel, c’est l’entrepreneuriat social, qui est pour moi un synonyme d’entrepreneur de territoire : chercher à faire « matcher » les besoins d’un marché avec le besoin social et environnemental de son territoire. J’adore le slogan du Mouvement des Entrepreneurs Sociaux (Mouves), dont je suis l’ambassadeur en Bourgogne-Franche-Comté : « Concilier efficacité économique et intérêt général. » D’ailleurs, des études le montrent, aujourd’hui, la recherche de sens chez les jeunes dépasse la notion d’argent.

On n’est pas au pays des Bisounours, non plus…

Évidemment. Il y a un vrai équilibre à trouver et ce système est encore marginal. Les Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif (SCIC), nées en 2001, ne sont que 600 en France. Je ne suis pas un intégriste de la coopération et de l’ESS : j’ai toujours essayé de tendre vers un modèle social, solidaire et écologique, mais je n’oublie pas que derrière tout ça, il y a aussi de l’argent. La carrière de mon père est une force que j’avais à la base mais je suis loin d’être l’héritier oisif qui compte ses sous dans son coin.

On veut bien vous croire…

Tiens, une anecdote. Pendant quelques temps, mon père roulait en BMW. Je lui demandais de me déposer à 500 mètres du collège, car je ne voulais pas qu’on me voit arriver en « béhème ». Cela représente bien ce que je suis. J’ai vite vu que l’argent pouvait corrompre les relations humaines. En ce sens, vivre une aventure humaine comme la Péniche Cancale, la faire reconnaître comme un espace culturel cohérent, ça, tu ne l’achètes pas.

Dijon, c’était le bon filon ?

Je le pense. À mon retour d’études (ndlr, Sciences Po Strasbourg), j’ai découvert un Dijon que je ne connaissais pas, loin de ce côté « vieille pierre » assez traditionnel tel que je l’avais vécu étant jeune. Étant de la génération de l’An-Fer, j’ai vu qu’il existait un milieu alternatif et culturel foisonnant. C’est un terreau passionnant pour entreprendre.

La preuve, la Péniche Cancale, inaugurée en 2009, se porte bien…

C’est une vraie fierté. Avec un ami du collège, Côme Galley, on s’est lancés dans ce projet culturel en sachant qu’il manquait ce genre de lieu. Il n’y avait même pas besoin d’étude de marché, on « sentait » tellement cette ville à force d’y vivre… On a commencé par une asso d’à peine une dizaine de personnes, aujourd’hui devenue une coopérative de 205 associés. On a une vraie programmation culturelle, avec une ambiance conviviale, des prix accessibles…

D’aucuns classent l’endroit comme un « repère à bobos »…

Notre volonté a toujours été fédérer. Être dans l’entre-soi et l’élitisme en se caressant le nombril ne m’a jamais intéressé !

Et Happy Bourgogne, dans tout ça ?

C’est un ambitieux projet qui a du sens, encore tout jeune car la plateforme web est opérationnelle depuis mai 2017. Il est en lien avec les nouvelles envies des consommateurs : un tourisme expérientiel, accessible en quelques clics avec à la clé un moment authentique et chaleureux.