Menacées de destruction dans le milieu des années 70, les halles centrales sont pourtant un atout majeur pour une ville qui cultive son image gastronomique et s’installe dans son tout nouveau statut de Zone touristique internationale (ZTI). Le brunch du dimanche y fait fureur et les chefs posent leur nom et leur réputation tout autour. Halles you want, halles you have !

Par Fidel Gastro

« Le spot n°1 de Dijon ». David Zuddas le consomme sans modération : « A Dijon, il y a les halles, et le reste ! » Lorsqu’il quitte son restaurant étoilé de Prenois, il y a une huitaine d’années, le chef n’a alors qu’une idée en tête, « s’installer dans l’hyper centre de Dijon, devenir un urbain, et quoi de mieux que le marché pour ça. » Ainsi naitra le très couru DZ’envies. Ces halles symbolisent l’essor du patrimoine industriel et de l’architecture métallique. Inspirées comme beaucoup d’autres à l’époque du Pavillon Baltard, l’entreprise de construction du (pas encore) célèbre Gustave Eiffel fit une proposition. Mais c’est à l’architecte de la ville Balard, puis à son successeur Weinberger que reviendra la signature du projet. Et aux fonderies de Fourchambault, dans la Nièvre, sa réalisation.

Dressé en lieu et place d’un monastère des Jacobins, ce temple du maraîchage et des métiers de bouche est inauguré le 1er Juin 1874. Les documents officiels de l’époque rapportent qu’il aura coûté 1,2 million de francs. 13 mètres de hauteur, 4 400 m2 au sol, il accueille alors 246 boutiques, 14 annexes et 728 bancs. «  La disposition de la toiture est fortement inspirée de celles de Paris, avec le même type de charpente » se plait-on à rappeler au moment de la visite guidée.

Pluie d’étoiles

Ces halles, comme beaucoup d’autres en France, sont plus ou moins inspirées du Pavillon Baltard. On faillit pourtant les détruire un siècle après leur création, dans le milieu des années 70, dans une période dominée par une frénésie immobilière peu soucieuse de la valeur archiecturale des constructions. ©DR / Forum CParama

Ces halles, comme beaucoup d’autres en France, sont plus ou moins inspirées du Pavillon Baltard. On faillit pourtant les détruire au milieu des années 70, dans une période dominée par une frénésie immobilière peu soucieuse de la valeur architecturale des constructions. ©D.R

Près de 150 ans plus tard, les Halles fraîchement rénovées sont l’élément le plus visible de la marque de fabrique épicurienne de Dijon. C’est oublier un peu rapidement que dans le milieu des années 70, soit un siècle exactement après leur création, sous l’influence d’une frénésie immobilière généralisée, il fut question de les tomber. Dieu merci, une inscription à l’inventaire des Monuments Historiques est venue sauver ce joyau de l’architecture néoclassique du massacre.

« En 8 ans, j’ai vu la fréquentation s’accroître sans cesse, chaque fois qu’un local commercial se libère, un commerce de bouche s’installe, ça veut dire ce que ça veut dire » constate pourtant David Zuddas. Il n’est d’ailleurs pas le seul chef de renom à avoir été séduit par la « bête » métallique. Longtemps, Jean-Pierre Billoux (Le Pré aux Clercs) a tenu là le Bistrot des Halles, une adresse au classicisme assumé et à la cuisine rassurante. Deux autres étoilés, les «  frères siamois  » de l’Auberge de la Charme David Lecomte et Nicolas Isnard, l’ont ensuite repris et propulsé sur un registre plus aérien, plus contemporain. En faisant de L’impressionniste la seconde adresse de son établissement étoilé de Montceaules-Mines, Jérôme Brochot complète la palette des belles toques de la Bourgogne toquées de ces halles dijonnaises. Lui-même se plait à baptiser les lieux qu’il découvre «  le village des halles  », avec une église en son centre qui vénère le produit et la convivialité : le marché.

Jour de marché

Les marchés du mardi et du samedi ont leur succès, c’est un peu moins vrai le jeudi. Alors que Dijon vient de se voir attribuer un statut de Zone internationale touristique, l’idée d’un marché du dimanche est de plus en plus présente dans les esprits. ©Clément Bonvalot

Les marchés du mardi et du samedi ont leur succès, c’est un peu moins vrai le jeudi. Alors que Dijon s’est vu attribuer un statut de ZTI, l’idée d’un marché dominical est de plus en plus présente. ©Clément Bonvalot

Ce marché ne peut donc être autre chose qu’un élément déclencheur pour la vie en ville. Dijon a décroché fin juillet 2016 une nouvelle timbale en intégrant officiellement le cercle restreint des ZTI (Zones touristiques internationales). Un fait qui conforte la volonté municipale de doper l’animation le dimanche, à l’image de ces brunchs tournants sous les halles, dont David Zuddas fut le pionnier et qui provoquent des files d’attente. Touristes et Dijonnais s’y retrouvent en procession, dans la joie et la bonne humeur. «  Les Dijonnais ont une vraie culture du produit, ils ont en eux le respect des petits producteurs, et ils sont gâtés, le marché de Dijon est impressionnant dans sa diversité et dans la qualité des bancs que l’on y trouve, confirme le patron du DZ’envies, « aussi, pour faire face à l’affluence du samedi, nous avons dû nous organiser pour prendre des clients jusqu’à 14h30 ! » La perspective d’un marché dominical n’est donc pas loin. Brest, Limoges, Tours et Colmar ont donné l’exemple.

« Ne nous voilons pas la face, dit Danielle Juban, adjointe au maire déléguée à l’attractivité du commerce et à l’artisanat, Dijon, le dimanche, est une belle endormie, une ville éteinte. Alors nous avons décidé d’agir en nous appuyant sur les halles centrales, vitrine de notre terroir. » Entre quelques têtes de chevreuil, mouflon, sanglier ou bœuf qui ornent depuis bientôt un siècle et demi la structure extérieure de ces halles, on peut voir en médaillon Cérès et Hermès veiller au grain. L’une est déesse de la moisson, l’autre dieu des échanges et commerce. Ce qui est bien plus fort qu’un ministère provisoirement nommé aux affaires !